Saint-Étienne : le modeste retour du festival Paroles & Musiques

Têtes Raides (photo de presse non créditée)

Ainsi Paroles & Musiques se survit à lui-même, après plusieurs graves échecs consécutifs et ce pari stupide d’avoir voulu se prendre pour plus grand qu’il n’était. On devrait souvent relire les fables de monsieur de La Fontaine, notamment cette grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf.

Une fois la morale tirée, saluons ce retour, d’autant qu’après s’être brièvement appelé Saint-Étienne live (ah, cet usage systématique de l’angliche !) il recouvre son intitulé d’origine : Paroles et Musiques (un nom emprunté à l’ancien et emblématique magazine précurseur de Chorus, dénicheur de talents s’il en fut). Saluons et souhaitons-lui bonne chance.

Car la tâche est rude : il faut reprendre le festival d’avant (mais où mettre le curseur, pour quel « avant » ? : les premières annonces [lire ci-dessous] nous donnent certes une idée mais ne nous permettent pas tout à fait d’y répondre) en faisant oublier ce qu’est devenu un temps cette manifestation, comment elle s’est dévoyée, se vendant, reniant surtout le pourquoi elle est née.

Il lui faudra renouer avec une organisation de type « associatif » après avoir été un satellite de Morgane production, dont Morgane s’est vite débarrassé. Comment retrouver la vertu militante, le sens précieux du bénévolat quand le moindre poste de travail était l’an passé salarié ? Comment aussi renouer avec des cachets « raisonnables » après avoir signé Orelsan ?

Féfé & Leeroy (photo non créditée)

Bon signe, la modestie semble de mise : deux lieux seulement sont annoncés : la salle de musiques actuelles le Fil et… à nouveau un Magic Mirrors, comme la résurgence d’un passé enchanté, magique..

Surtout, il faut se réconcilier avec le public. Il est à craindre que celui « chanson », qui n’est pas composé que de ringards comme on l’entend dire trop souvent, boude longtemps encore cette manifestation où l’état d’esprit d’origine à été si souvent piétiné, sacrifié sur l’autel du seul biznesse. Ce même si ce public-là a une capacité d’adaptation surprenante, bien plus grande sans doute que n’importe quel autre : il suffit pour s’en convaincre d’aller sur le terrain.

A quoi sert d’ailleurs un festival de « chanson » ? A faire connaître une chanson privée de tout support médiatique, à l’écart de la (re)connaissance publique ? C’était le cas à la création de ce festival « militant » et, n’en déplaise, la situation n’a pas changée : elle s’est aggravée même. La chanson est toujours aussi forte de talents qu’il y a trente ans (regardez l’incroyable vivacité de la chanson lyonnaise, étonnamment toujours très absente de ce festival stéphanois), peut être plus encore : seul le générique a en grande partie changé. La différence est que cette chanson est tue, privée de toute fenêtre médiatique. Même si le nombre de stations de radios et de chaînes télés a été multiplié par vingt ou par cinquante, jamais cette chanson n’a autant été absente des médias. Absente aussi des salles qui souvent disparaissent, absente de toute visibilité, comme si tout était organisé, rationalisé, concerté, pour la faire taire. Et nombre de festivals qui, à leur naissance, défendaient cette chanson ont désormais délibérément choisi le camp adverse, rejouant ad nauseam la scène des bourgeois de Calais, à Bourges comme ailleurs.

Paroles et Musiques était à sa création aux côtés des artistes chanson volontairement oubliés des médias, il a même participé de belle façon à la reconnaissance d’un certain nombre d’artistes et de groupes. Le sera-t-il à nouveau demain ? Malgré ces quelques pas en arrière, rien n’est moins sûr.

Les premiers artistes annoncés pour ce 29e festival, du 12 au 17 mai 2020 à Saint-Étienne, sont : Aloïse Sauvage, Dionysos (vidéo ci-dessous), Loïc Lantoine, Pierre Lapointe, Féfé & Leeroy, Josmann, Tim Dup, Vidéoclub, Roni Alter, Chilla, Louise Combier, Sammy Decoster, Têtes Raides, Les Ogres de Barback.

Le site du festival, c’est ici.