Le Grand blond et l’accordéoniste : l’air de rien qui dit tout
Bien sûr que le nom du duo pourrait faire songer (c’est quand même à bon escient) aux élucubrations du violoniste François Perrin (Pierre Richard) dans Le grand blond avec une chaussure noire, le film d’Yves Robert il y a presque cinquante ans. Mais non, sauf que le chanteur c’est Florent Richard et qu’effectivement il est grand et blond. Blond comme les blés. Sans doute aussi fauché qu’eux, tant le sont presque tous les artistes, mais c’est une autre histoire encore.
Donc, en lieu et place de chaussure noire, un accordéoniste. Pas n’importe lequel, Richard ayant trouvé chaussure à son pied : Roland Romanelli, qu’on sait être aussi compositeur et arrangeur. Son nom nous est pour toujours lié à Barbara mais, de Colette Renard à Serge Lama, de Johnny Hallyday à Jean-Jacques Goldman, ses collaborations furent multiples et, ma foi, fructueuses.
S’il n’est parisien (et encore), l’amateur de chanson dira ne pas connaître Florent Richard, même si notre autre grand blond n’est pas le perdreau de l’année. Son premier album est sorti en 2005, d’autres ont suivi. Et des spectacles à foison. Richard est excellent pianiste il va sans dire. Avec Romanelli vous voyez le duo, le tableau.
La chanson de Florent Richard est sans âge, comme décalée du temps présent. Le genre de truc à faire reculer le moindre directeur artistique. Comme les labels n’en ont plus, la question de ne pose donc pas. Aucun de ses titres ne fera tube mais tous contribuent à la richesse de son tour de chant (ce disque est enregistré « live » à la Manufacture Chanson à Paris). Richesse, oui. Richesse des notes, richesse de mots. De ces vers tout à fait sérieux piqués d’incongru, surpiqués de pointes d’humour comme on dirait de pointe d’ail dans une marinade.
Du sérieux, dis-je, cependant contrarié de doutes, quitte à faire des doutes philosophiques : « J’ai bien pensé à n’plus penser en me jetant dans la concrétitude / Vivre et mourir sans réfléchir j’hésite encore à y voir clair ». Du sérieux tenté par la cruauté, celle qu’on inflige de ses puissantes mains à l’encontre du p’tit oiseau de nuit ; celle que les financiers nous font subir : « Crédit foireux à pleine dent / Remboursable sur 35 ans / Puis ils te chantent par dessus tête / Au nom d’la loi, je vous endette ». Putes, ascenseur social, Florent Richard, avec une diction qui jamais, quelque soit le propos, voire l’incongruité, ne se dépare de son sérieux, nous ballade dans les jours et les nuits de nos vies, dans les années qui passent, notre ardeur qui y trépasse. Avec l’art, la manière, le vocabulaire et le talent. Avec cette manière de chanter sans l’avoir dit, sans en avoir l’air, ce détachement, cette humour si fin qu’il particule tout l’enregistrement.
« Allons, tu sais bien que je n’ai rien contre ce monde / Faisons la paix, laissons-nous trente secondes / Pour repartir après ce dernier verre / Respirer nos drôles de vies au grand air ». Replay.
Florent Richard, Romand Romanelli, Le grand blond et l’accordéonniste, EPM/Universal 2019.
Live , vraiment ???? J’ai de gros doutes à entendre le silence assourdissant qui remplace les habituels applaudissements à la fin de certaines chansons.
De plus, le livret accompagnant le CD me semble avoir manqué de soin (cohérence entre ce qui est écrit et ce qui est chanté) et de correction.
Tout cela m’a (un peu) gâché le plaisir
Outre le fait que, parfois, on entend des applaudissements sur ce disque, il est imprimé sur le livret « Enregistré live à la manufacture chanson à Paris ».