Catherine Watine via Phôs, remonter au vent
Après plusieurs albums en anglais, quelque part entre punk-rock, électro folk, piano-voix, poésie, la pianiste Catherine Watine nous donnait en 2015 « Atalaye », en français.
Toujours en recherche musicale, elle sortait début 2019 un album essentiellement instrumental à mi-chemin entre le classique et le contemporain, dans un rock-électro où les paysages sont ceux de l’âme, Géométries sous-cutanées. Écoutez par exemple Verrophone ou Hearth walking.
Seuls y font l’objet de textes Lovesick, sur les tourments de l’amour sensuel : « Attention à la secousse des corps / Les amours platoniques avant le creux des hanches / Pour la beauté du geste, pour la beauté, du reste ».
Et Jetlag, réflexion douce et obsédante sur l’immortalité : « A la salle des ventes montent les enchères, la vie m’échappe mais la vie m’est chère / Alors j’attends que là-haut quelqu’un me repère, pour que je forme une autre paire ».
Des promenades musicales et spirituelles de grande beauté auxquelles il est difficile de résister.
Ce qui explique que cet album ait suscité 16 propositions de revisite par 14 artistes. C’est justement Verrophone, Hearth walking, Lovesick et Undiying pizzicato qui ont généré le plus de réinterprétations. Parmi eux, Laurent d’Intratextures avec deux re-créations, a réalisé également les enchaînements et le montage de ce nouvel album remix issu de Géométries sous cutanées, baptisé Maison Géométries.
Insatiable créatrice, aussi douée pour l’écriture que pour la composition, toujours surfant sur sa liberté, Watine puise des forces inespérées dans son art, se laissant parfois flotter pour mieux repartir dans une indomptable force de vie.
C’est avec Laurent que Catherine Watine, sous le nom de Phôs qui désigne leur duo, nous propose maintenant le nouvel album A l’oblique, se consacrant cette fois-ci uniquement au texte. L’écriture est aussi hardie que poétique, dans une sublime déclamation qui reste toujours simple, sans effets excessifs, merveilleusement soutenue par la musique de Laurent, qui l’adapte à l’inspiration puissante et fragile à la fois de Catherine. De la musique à la fois minimaliste et concrète qu’il nous proposait dans Intratextures – écoutez la prenante et dérangeante Les rives se sont éloignées - nous sommes passés à une musique contemplative ou expressive qui fait presque penser à du rock progressif, où la glace et le feu se mêlent.
Si Watine est capable d’envoyer un message avec sa seule musique, elle a sans doute ressenti le besoin d’aller plus loin avec ses mots, qui peignent à coup de brosse délicate des émotions et des sentiments déchirés, des malheurs insoupçonnés, et des espoirs malgré tout.
Des paysages mélancoliques d’automne qui n’envient rien à Verlaine, où les notes d’ivoire appellent Chopin, Bach, Fauré, Satie, ou Reich, Glass, Arvo Pärt, et où « la pluie qui gémit [est] A deux doigts d’exister / Sur les crins des archets ». Avec cette façon de poser sa voix douce, calme et mélancolique sur les musiques atmosphériques ou expressionnistes de Laurent, dans une impressionnante fusion.
Des atmosphères angoissantes de ce cauchemar, Doorway*, dit d’une voix robotisée, comme un inquiétant conte d’Edgar Poe … Ou de cette incompatibilité, ce Trop sur fil grinçant, « Trop d’impatience / Il y avait trop de rien / Trop de chagrins / Le grain de peau / Au matin / Il manquait trop ».
Des paysages d’été, sable aussi volatil que les amours estivales, s’envolant sur la tension montante de sa musique « C’est une histoire de sable où je décerne / La mention passable, les amants ont des cernes / Ils ont tourné de l’œil comme on tourne la page ».
Mais aussi des situations dramatiques : « Va voir ton père, demande-lui / Comment il a pu te faire çà / Te regarder comme une femme / Que l’on couche mais qu’on n’épouse pas ». Et de conclure d’autant plus fort que les mots sont doux : « Dans la brume du petit matin / Comme une espèce de petit chagrin / Qui envahit ton café crème ». Un thème retravaillé avec ces orpailleurs qui cherchent l’or de l’amour brisé sous des orbites bleuies de coups, « Va voir ton père demande-lui / Pourquoi il a éteint ce feu / Te jeter contre les murs / Et te battre jusqu’aux bleus ». Un or que pourtant elle rallume « à la lumière qui vient d’ailleurs ».
Watine se débat contre les vents contraires, affronte avec courage ou laisse glisser ce destin qui la frappe, cet as (…) tombé sous la pancarte : « Je n’ai pas aimé le festin / je n’ai pas aimé la blinde / Je n’ai pas aimé le destin / le miroir sans tain », cet Horizon restreint qui ne laisse « d’autre choix que de se taire ». Et, inquiète pour « la terre que l’on foule » trouve encore chez Saint-Ex ou Ronsard le moyen de rallumer une petite lueur d’espoir :« En attendant la métamorphose / J’entasse / J’entasse des milliers de choses / Dont un mouton et une rose / Qui ce matin / Avait éclose ».
* texte Intratextures
Catherine Watine via Phos, A l’oblique, novembre 2019. Disponible en numérique, CD et en Vinyle, avec Fanzine (édition limitée).
Le site de Catherine Watine, c’est ici. Ce que Nosenchanteurs en a déjà dit, là.
Dans la brume
Une musique pour un futur projet 2020, Intrications quantiques
Le premier clip de l’album Intrication Quantiques qui fait suite aux GEOMETRIES SOUS-CUTANEES, réalisé par Anna Malina, Eros et Thanatos, une animation déchirée et déchirante sur un instrumental en suspens, vient de paraître
https://www.youtube.com/watch?v=V92usRHFPj8
Watine revient avec l’album ‘Errances Fractales’, où le piano, les cordes, les vents et les enregistrements de musique concrète se mêlent aux sons électroniques pour un résultat captivant.
À écouter le dernier extrait de cet album, ‘Timeless wandering’.
https://www.youtube.com/watch?v=_ylXIvheW9M