Le vilain petit Daho

Arnaud Valois, Etienne Daho et Olivier Tallec (photo Laurent Humbert)

Etienne Daho est un artiste toujours surprenant. D’un projet à l’autre, il nous emmène dans son univers pop chic, doux-amer. Le condamné à mort de Jean Genet et Hélène Martin, enregistré aux côtés de Jeanne Moreau, avait conquis bien des amoureux de la chanson et de la poésie, mais en avait agacé plus d’un. Critiqué pour son filet de voix, ses textes simplistes, ses musiques électroniques, Daho n’en demeure pas moins populaire.

En novembre 2019, il a publié, avec Héloïse Chouraki (adaptatrice du texte) et Olivier Tallec (illustrateur), Le vilain petit canard sous la forme d’un joli livre-CD. L’histoire est racontée par Arnaud Valois, le formidable acteur de 120 battements par minute. Olivier Tallec est à la hauteur de près de soixante-dix livres chez divers éditeurs en pas vingt ans, dont la série Rita et Machin, depuis adaptée à la télévision. On le reconnait à son trait qui allie la douceur, la simplicité à une grande élégance.

C’est une adaptation minimaliste mais très actuelle du conte d’Andersen (écrit en 1842) que nous propose Daho, un sacré vilain petit canard de la chanson ! La musique y est discrète mais élégante. Numéro 9 est le nom du palmipède en question, qui s’éloigne très vite de ceux qui le rejettent de la couvée parce qu’il est un peu différent. Dans notre époque épique et opaque, n’en déplaise à ce cuistre de Bruno Bettelheim qui reprochait à ce conte d’inciter les enfants à se sentir différents des autres, l’écoute de ce livre CD nous rappelle plutôt deux choses : d’une part, que le canard WC qui se dit de souche est la plupart du temps un imbécile raciste, et d’autre part, que le caneton, stigmatisé pour sa couleur et sa façon de penser, ne sera plus jamais seul dans son coin (coin) et deviendra un grand et beau cygne. Signe des temps, foie (gras) de canard !

Andersen, Valois, Daho, Tallec, Le vilain petit canard, Gallimard éditeur 2019.