Christopher Murray : « Quel boulot de fêter ses 20 ans ! »

Christopher Murray (photos Christine Pascal)

14 décembre 2019, Chok-Théâtre, Saint-Étienne,

C’est qu’il y a du monde ce soir, beaucoup de monde. La salle est bondée, les marches d’escaliers prises d’assaut, on rajoute à la hâte des chaises, des tabourets. La scène est tout aussi pleine. D’artistes venus en nombre, sauf ceux qui prenaient le train, pris-en-otages-par-les-grévistes comme osent dire les chaînes d’infos macronisées. L’entrain de ce soir n’est même pas entamé.

Jean-Claude Mourlevat

Il y a vingt ans, un aspirant chanteur, pas encore « en émergence », montait sur scène. Sa première chanson lui avait été offerte par Jean Andersson, un auteur-poète, animateur du Parc du Pilat. Christopher Murray était né à la chanson.

Il s’en est passé des choses depuis, s’en est créé des rencontres, pour en arriver à ce soir, non comme un bilan mais comme un regard, agréable retour sur amitiés. Fêter ses vingt ans sans la tentation de la grandiloquence, par une soirée n’est n’est pas tout à fait un concert, à peine un spectacle. Un peu comme une veillée. En tout cas des retrouvailles.

Avec Nikko Rodamel et Pascal Essertel

Avec Michèle Bernard

Avec Frédéric BobinTiens, voici Jean-Claude Mourlevat, qui a jadis confié quelques textes à Christopher. Là, il lui en reprend un, Deux parallèles s’aimaient, qu’il dit sans rire à la manière du clown (Guédoulde) qu’il fut avant d’être le fameux écrivain qu’on sait. Le photographe Niko Rodamel et le technicien de spectacle, presque aide de camp, qu’est Pascal Essertel, partagent avec Murray ce cadeau d’Allain Leprest : Tout dans l’chapeau. Deux poses faussement publicitaires, par cet incroyable quatuor baroque (Khôl, Claudine Morel, Philippe Foray, Jean-Baptiste Bertrand) : « Oui, c’est la croissance / Qui rétablira l’Emploi / Si la Bourse se maintient / Nous pouvons espérer / Ne point délocaliser / Oh, reviens Croissance / Notre espérance est en toi » et encore « Si tu n’es pas boursicotable / C’est normal que tu sois jetable / Tu sers à rien ». C’est ça aussi Murray, dans ce superbe exercice d’humour, de cynisme politique.

Murray une fois « en émergence », un chanteur bien moins connu que lui vint le voir, lui demander conseil ; les deux sont réunis ce soir, ça nous vaut un duo Murray/Bobin forcément mémorable.

Un plaisir chasse l’autre, les surprises s’empilent et face. La bien trop rare Lalo chante Andersson ; Jean-Baptiste Bertrand, le directeur de la Maîtrise de la Loire, reprend La plus belle aurore ; Khôl reprend le récent Ton campement dans ma tête : « Le temps d’un bivouac / Ou d’un été entier / Dans les herbes et les pierres / Tu rêves ou tu t’affaires / C’est sympa de camper ».

De ci de là Murray glisse quelques nouvelles chansons qu’un jour on trouvera sur un frais opus. Il retrouve ses complices des 3 Becs (Claire Guerrieri et Robert Bianchi) pour une revisitation de La Fontaine par Gil Chovet : « Jeannot de la Fontaine / J’boirai pas de ton eau / La raison du plus fort ça s’mesure au Pernod / au Bar de la Cigale c’est écrit au tableau ». Et le réalisateur du clip Toc toc à ma porte, Fred Giroudon.

Un Chovet qu’on retrouve en trio, avec Michèle Bernard et Christopher Murray, pour un autre grand moment digne d’anthologie. Mais ils le sont tous, tant que j’en oublie. Même le public chantera, y’a pas d’raison : « On dit du mal des uns / On dit du mal des autres / Ça fait du bien… »

Voilà. Ce fut une veillée, de celle qui se prolonge ensuite au bar, en ce Chok des plus chic. Une des bornes qui jalonnent une vie, jolie borne vraiment. On ne dira pas qui eut pu être là si le Philippe de Matignon avait retiré sa stupide réforme et laissé circuler les trains, mais j’ai l’impression que tout le ban et l’arrière ban de la chanson auraient emprunté les voies pour, avec Murray, donner de la voix. De celle qui chante et enchante.

La belle assemblée d’ami-e-s

Le site de Christopher Murray, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.