Le Leprest en Symphonique : que faut-il en penser ?
On pleure encore sur Leprest mais ça n’sert à rien : l’Allain se porte bien. Tant de chanteurs réputés indispensables sont morts d’oubli dès la première pelletée jetée dans le trou qu’on se dit que le sort du natif de Mont-Saint-Aignan est finalement enviable. Le nombre de ses interprètes est quasi exponentiel ; on découvre presque chaque jour des brouillons d’inédits qu’il a disséminés un peu partout à la manière d’un Petit Poucet au cas où ; il est solidement rivé à nos mémoires. Et sur son nom se créent encore et toujours des spectacles. Fasse que ça dure.
L’idée d’un Leprest Symphonique n’est pas en soi une trouvaille : Didier Pascalis, producteur avisé de ce spectacle et par ailleurs manager de Leprest, nous en a déjà sorti un, à la différence près que c’est Leprest lui-même qui chantait. Là, ils sont quatre [heureux élus] à se partager le travail : Clarika, Cyril Mokaiesh, Romain Didier et Sanseverino*. Eux et, excusez du peu, l’ensemble de l’Orchestre national des Pays de la Loire, sous la direction de Dylan Corlay. Ça fait du [beau] monde !
Chroniquer un tel recueil de Leprest, ce n’est certes pas porter à nouveau un regard sur ses chansons. Mais sur l’interprétation, sur la cohérence du projet.
On ne sait qui du producteur ou des artistes a/ont fait le choix des vingt titres retenus. Même si nous avons tous une ou plusieurs chansons préférées, que nous aurions aimé entendre ici, convenons que la playlist est épatante, de l’ouverture (Francilie) à la fermeture (D’Irlande).
Pas de surprise quant à Romain Didier, l’ami et partenaire de Leprest : on n’attend rien d’autre de lui que de prolonger le plaisir : trois chansons sont à son unique crédit ici, Les Grilles, Madame sans âme et Où vont les chevaux quand ils dorment. On sait le savoir-faire et pour tout dire le franc talent de Clarika : Nu, Le pull-over (en duo avec Mokaiesh), Arrose les fleurs, Le chagrin, Le banquet des abysses, son parcours est un sans faute nimbé d’émotion. La surprise, il me semble la vraie, vient de Cyril Mokaiesh, parfait dans ce nouveau rôle de repreneur de Leprest : tout y est et d’abord l’équilibre, le ton, le phrasé. Il nous chante Il pleut sur la mer, Y’a rien qui s’passe, Les tilleuls et Saint-Max.
Permettez-moi par contre de tiquer sur certaines reprises par Sanseverino. Qui, comme souvent, ne sait faire que du Sanseverino, à se vouloir rebelle, à bouffer des mots, en oublier parfois. Lui reprend Donne-moi de mes nouvelles, Dans le sac à main d’la putain, Le ferrailleur, SDF. Ce qui peut être plaisant sur d’autres textes, d’autres auteurs (malgré les critiques, il me semble probant dans son répertoire de chansons de François Béranger), trouve ici sa limite, presque son déplaisir.
Ensemble, ils nous font collection de timbres et d’autres saveurs : Je viens vous voir, Le temps de finir la bouteille et D’Irlande. On imagine le triomphe ce soir-là à La Bouche d’air à Nantes, où ce récital fut enregistré. On sait qu’il en sera de même dans tout autre lieu offert aux vers de Leprest, à sa présence qui désormais supplante son absence.
Ce disque ne fera pas doublon avec ce que vous avez déjà de Leprest. Il s’additionne, il ajoute à la beauté. Glissez-le sous le sapin !
Clarika, Cyril Mokaiesh, Romain Didier, Sanseverino, Leprest en Symphonique, Tacet/L’Autre distribution 2019. Le site de Leprest en Symphonique, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà écrit sur Allain Leprest, c’est là.
* Notons qu’en tournée, Enzo Enzo s’est substituée à Sanseverino.
Sauf erreur ou omission de notre part, pas vraiment de vidéo sur cet enregistrement. Par défaut et faute de mieux, cette rapide bande-annonce :
je souscris à ces remarques, Sanseverino a du talent mais il a un peu de mal à entrer dans d’autres univers. Clarika pas de problème est une interprète Romain c’est une évidence… l’un des compagnons de routes d’Allain et ce n’est pas une découverte pour moi mais une confirmation. Cyril Mokaiesch est un interprète. Il me bouleverse. Son intelligence, sa voix sa manière de se mettre au service. J’aime aussi son écriture. C’est un auteur et un musicien. Je l’avais vu au Châtelet dans les Naufragés et garde un souvenir exceptionnel. J’aimerais un jour lui serrer la main. Je crois aussi qu’il faut souligner le courage de l’équipe qui entoure Didier Pascalis et celui de Didier. Réaliser un CD comme celui-là c’est gonflé.
J’étais présent à la Bouche d’air pour l’enregistrement, c’était magnifique !
En symphonique je trouvais très bien celui avec Leprest, en interprétation par d’autres, les deux « Chez Leprest » sont passionnants… Je ne vois pas ce qu’apporte cette nouvelle galette… Je ressens même un certain malaise, après c’est personnel…
Pour ma part je la pense (la galette) importante. Autant certains auteurs ont tellement marqué leur répertoire par leur propre voix qu’il est parfois dérangeant de les entendre par d’autres, autant nous avons été habitués d’écouter Allain par des interprètes différents, y compris de son vivant. Et donc dans des interprétations différentes.
A titre personnel j’ai apprécié découvrir Stef Sanseverino, Clarika et Mokaiesh nous donner leurs versions, j’ai apprécié ces orchestrations et ces nouvelles envolées de Romain Didier. Brel ou Brassens peuvent survivre encore quelques temps sans reprises, même si certaines sont de bonne facture. Pour continuer à vivre il n’est pas inutile qu’Allain réapparaisse dans les bacs périodiquement. Si chaque galette lui fait gagner un peu de nouveau public par la grâce d’interprètes ayant leur propre public, la curiosité s’installera peut-être et certains pourraient la pousser à découvrir enfin Leprest.
Sans doute avons-nous tous les deux raisons
Je l’avais acheté dès sa sortie, et pense comme Jean-Luc. On ne peut pas se passer d’Allain Leprest, que j’ai la chance de voir sur scène, accompagné par Romain Didier. Un immense souvenir.
Joli papier, nous avons vu le spectacle au Centre des Congrès Jean Monnier, à Angers. Romain, parfait, comme d’hab. Clarika, très bien, surtout sur la deuxième moitié du spectacle. Alexis HK, appelé comme remplaçant à la dernière minute, a fait un boulot remarquable. Quant à Sanseverino, que j’apprécie beaucoup quand il fait du Sanseverino… une catastrophe. Il a beaucoup de talent. Mais lors du concert, on avait vraiment l’impression qu’il n’avait pas envie d’être là.
Si je peux me permettre, Michel Kemper, Allain Leprest n’est pas natif de Mont Saint Aignan mais de Lettre, dans le département de la Manche. Il se définissait d’ailleurs comme « homme de Lettre et fils de Bourges. »
Bien cordialement
Merci pour cette précision, Gérard.
Allain est né à LESTRE dans le Corentin avec « sa télé de chien » où son grand père tenait une épicerie. Son père, Jean, y était commis quand il a rencontré Marguerite Gravier…
Le Corentin ou le Cotentin ?
« Corentin » est l’une des premières chansons de Jacques Bertin…
Corentin est aussi une série de bande dessinée, créée par Paul Cuvelier