Amour et colère de Davy Kilembé
Qu’elle le veuille ou non, la chanson est le miroir de notre société. Mais tout dépend de la position du miroir. Le grand angle qui reflète la banalité pour ne pas dire la vulgarité, vous l’avez dans votre salon, vous n’avez qu’à télécommander. En revanche, l’art de déceler le détail original ou l’angle de vue le plus pertinent — ou le plus fou— découle d’une focale plus subtile. C’est le talent de l’artiste, comme celui du ramasseur de champignons de trouver l’image juste, celle que les autres ne voient pas d’emblée. Davy Kilembé possède ce talent perfectionniste et le partage généreusement dans ses chansons. Son dernier album, sans doute le plus abouti, en témoigne.
Intitulé simplement Chansons d’Amour et de Colère, ce nouveau CD conjugue la beauté et l’intelligence, l’amour et la lucidité. La beauté se révèle dans la composition musicale où des mélodies bien tournées se métissent à des rythmes colorés et épicés. Elle se révèle aussi dans le timbre chaud et lumineux de la voix de Davy en phase avec ses textes vigoureux poétiquement sobres et efficace et l’on peut souligner au passage cette belle interprétation des Bonnes Résolutions empruntées à Marion Rouxin. Tout cela fonctionne comme une belle horlogerie.
Mais toute la subtilité de cet album apparaît au détour des mots, des images et des sons où se love beaucoup de tendresse. Des chansons d’amour aux titres révélateurs, parfois décentrées : Voudriez-vous devenir mon ex ; un aveu de fragilité et d’espoir déterminé, en duo avec Cécile hercule : Ça tiendra — qui nous rappelle la vieille expression « vivre à la colle » — ou encore Je suis son Prisonnier avec cette nuance capitale « mais je choisis mes chaînes ».
L’amour de l’humain se cache aussi dans une évocation nostalgique du temps des copains et de La 4L à Momo et encore dans cet hommage au facteur Cheval Unique dans l’Univers.
Davy raconte des personnages atypiques que vous pourriez croiser tous les jours sans savoir qui ils sont : l’émigré qui pense à Voltaire et qui croit à l’éducation ou encore l’enfant perdu désespéré poseur de bombe.
C’est là aussi que s’insinue la colère. Non, pas celle de l’apprenti terroriste, celle que provoquent la misère et ceux qui en profitent, celle qui résulte de la société déshumanisée (Yapadam) et de l’égoïsme socialement programmé (Mes ennuis). Cette colère est sans violence, elle est contenue, partagée ; elle n’appelle pas à la révolte, elle est seulement là pour ne pas qu’on s’habitue. Elle forme des épines protectrices et résistantes.
L’apparente dichotomie du titre et de photo de la pochette soulignent en réalité la complexité de l’âme humaine, en proie aux terribles difficultés de la société mais jouissant des mystérieux cadeaux de la vie. Cet album est un pas important vers une nouvelle humanité à définir un peu plus chaque jour.
Davy Kilembé, Chansons d’Amour et de Colère, Quart de lune/InOuïe distribution 2019. Le site de David Kilembé, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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