Gildas Etevenard, la beauté peut-elle sauver le monde ?
« Un train file dans les paysages de l’Anthropocène.
Rêveries, introspections, observations du dedans, du dehors…
L’imaginaire se met toujours en route dans le roulis du train.
Des passagers nous livrent leurs pensées fugitives. »
C’est par un partage de hasard que je viens de découvrir ce projet particulier, « A sentimental journey in the anthropocene ». Un blog où apparaissent, petit à petit , les titres de ce « voyage sentimental », tandis que les clips, entièrement de la main de Gildas Etevenard, se publient sur youTube.
Gildas Etevenard n’est pas un nom inconnu de NosEnchanteurs. Compositeur, batteur et bassiste, il collabore également avec Akosh.S, Nevché – relire nos articles sur Décibel ou Prévert - Bertrand Belin, Hakim Hammadouche, David Lafore …
Même si nous l’avions entendu déjà chanter en accompagnement, nous le découvrons ici comme un interprète inspiré, tant au chant qu’au parlé, dans un environnement musical rock électro puissant et délicat tout à la fois, riche et évocateur.
A l’écoute nous sommes vite séduits par cette prise de conscience de notre impact, nous petits humains perdus, sur l’écosystème de notre terre, dans ce trip poétique sans injonction didactique, juste laissant parler ce qui nous reste d’humanité.
Il y a ce premier titre, Les particules fines, s’évadant, en une sorte de chant d’amour, des mantras angoissants répétés par les médias et les documentaires, qui nous laissent désemparés, impuissants devant la tâche que nous aurions à accomplir…
L’angoissante Motrice monte en tension, reflétant d’une façon particulièrement poétique le stress du conducteur de train qui exerce ses responsabilités sans les moyens qui vont avec : « Je garde les yeux rivés sur le rail sans fin / A l’affût d’une anomalie » (…) Je mène la motrice vers un jour nouveau / Et déjà le soleil paraît dans son immuable flamboiement ». La même angoisse qui pourrait saisir d’autres travailleurs, tels un personnel médical débordé, en charge de vies humaines. On pourrait allonger la liste à l’infini.
La chanson titre, en anglais, est de toute beauté également. Vous ai-je dit que la voix de Gildas était comme une caresse, une consolation dans la tristesse de ce monde ? Ce n’est pas lui qui irait jouer les imprécateurs, insulter le monde , pourtant il nous incite tout autant à la réflexion, dans son océan de beauté musicale et poétique.
C’est bien là son message, dans le titre qui semble le plus humoristique, Emoji : « Regarde toute cette beauté qui file entre nos doigts repliés / Allez lâche ton écran ! ». Il y analyse avec (auto) dérision notre addiction aux absurdes « emojis », alias émoticônes, alias smileys (au départ ils n’étaient que sourires) censés répercuter à l’écrit nos émotions trahies par nos voix à l’oral, ou nos expressions faciales dans le monde réel. Et qui se substituent finalement à tout autre mode de communication, dans un monde ne fonctionnant plus qu’aux images formatées, aux émotions simples pour ne pas dire simplistes, et devenu incapable de formuler un avis personnel, argumenté et rédigé.
Vous l’avez compris, cet album est à écouter, à partager. Même si le constat n’est pas joyeux, il entretient l’espoir que la beauté puisse changer le monde. Il faut le faire savoir.
Gildas Etevenard, A sentimental journey in the anthropocene, 2019. A suivre ce voyage sentimental sur son blog dédié.
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