Da Silva, toujours de bonne humeur
Que les sombres araignées du désespoir aillent se pendre à leur fil de soie si patiemment tissé, que les nuages gris à jamais tombent des nues pour se noyer dans la mer Rouge vif de la vie trépidante, que les pensées mortifères s’étiolent et se décomposent en un compost bienfaisant propice à la montée des fleurs aux dents ! C’est dit : l’heure n’est plus à la détresse, à la larme à l’œil et au sanglot bruyant, mais bien à la liberté de vaquer, à la salvatrice désobéissance, à la bonne humeur tenace…
Et pour s’en convaincre, rien de tel que d’écouter le nouveau disque de Da Silva, au titre définitif : Au revoir chagrin. C’est que le chanteur, pour son septième album, a décidé de s’adonner à la positivité. Lui qui nous clamait dans son opus précédent qu’il préférait l’aventure, voici à présent qu’il nous invite à la douceur de vivre : « Aujourd’hui c’est décidé, je prends le temps de respirer / Aujourd’hui je ralentis, je prends le temps, je désobéis ». Se poser, tel est son crédo. Pour déguster ces plaisirs simples qui ont le goût de la sérénité, comme d’écouter un disque de Tom Waits la nuit (Un peu de bonheur dans les haut-parleurs), d’apprécier la beauté féminine dans la douceur du printemps (Légère légère / Comme ton allure ravissante / Légère légère / Comme une caresse désarmante), de se réfugier dans la nostalgie réconfortante (Parfois tu me rappelles / Une chanson d’autrefois / Et l’enfant qui sommeille / Dans l’homme que je ne suis pas)… Futile tout cela ? Nécessaire plutôt, comme une bouée de sauvetage pour les naufragés de la vie : « Si tu n’as jamais été à terre / Atterré, trahi, sur le flanc / Rien je ne te dirai rien / Rien, rien, tu ne comprendrais pas ».
Bien sûr, l’optimisme est parfois plus facile à décréter qu’à réaliser. L’amour déclinant reste source d’orages (On avait le lit et les coquillages / On avait dit tranquille et pas de ravages / On avait dit la vie et pas de carnage / Mais le cœur est fragile, infidèle et crétin) et les cicatrices du cœur ne s’estompent qu’avec difficulté (Nous partîmes en solitaire / Une sorte de croisière / Sans escale, sans arrivée). Pourtant, impossible de ne pas replonger : « Dans toutes les langues / Sous tous les angles / Aux quatre coins de la chambre / T’aimer t’aimer t’aimer ».
Pour mener à bien ce nouveau voyage, Da Silva s’est entouré d’une équipe de choc : Nicolas Fiszman à la basse et aux guitares, Denis Benarosh à la batterie, Reyn Ouwehand aux claviers, Olivier Bodson aux cuivres. Ensemble, ils ont concocté un disque libre et foutraque, sans ligne musicale unique. La valse s’y mêle aux rythmes brésiliens, le reggae assaisonné au piano bastringue y côtoie la pop lumineuse. Pour l’étonnant A l’endroit de la douleur, la guitare se pare de couleurs hispaniques, les trompettes sonnent mariachis et les chœurs évoquent la mélopée arabe, tandis que l’album se conclut par un sensible piano-claviers-voix (Ana Rose). Variété de styles réunifiés sous la bannière de la voix griffée de l’artiste.
Dans Trois fois rien, Da Silva brosse le tableau d’une personne peu soucieuse des convenances, indifférente au qu’en-dira-t-on, qui trace son propre chemin sans s’excuser de marcher hors des clous. « J’ai pour vous plaire aucune manière / Pas le sens des affaires / Et le désir de ne rien faire / C’est à prendre ou à laisser / Je ne suis pas désolé ». Comment ne pas y voir un autoportrait de l’artiste, lui qui poursuit son chemin loin des voies balisées du show-biz et des sirènes médiatiques ? Au revoir chagrin en est la parfaite illustration. Qui l’aime le suive.
Da Silva, Au revoir chagrin, AT(h)OME, 2019. Le site de Da Silva, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Toujours en tournée pour le spectacle jeune public Le mystère des couleurs, le 4 et 5 décembre à Ploërmel …, puis avec Au revoir chagrin à partir du 4 février 2020 à La maroquinerie à Paris, autres dates sur son site.
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