Dany Nicolas, l’endommageur de Gary
Durant toute une saison, l’ami Rémo Gary fut bien malmené, cassé, cabossé, endommagé, irradié, cause à la maladie. C’est désormais à conjuguer au passé : « On m’a renouvelé mon permis de séjour / On a payé pour moi la prime de retour / Le droit de séjourner quelques années encore / Je connais mieux la vie, je la connais par corps » écrivait-il dans son Petit journal de début d’été. Entre deux traitements, on dit que la période fut propice à l’écriture, et qu’un album et deux livres pourraient bientôt voir le jour…
Y’a pas que la chimio qui sait endommager. La chanson aussi, si si. Pour peu qu’un fou chantant s’en mêle, un olibrius pas configuré comme un autre, un qui s’amuse avec la chanson comme il ferait d’un jouet meccano : à le démonter, à la remonter pas tout à fait pareil.
Lui se double-prénomme Dany Nicolas, il est Québécois. Connu là-bas par Royal Caniche, par Sagapool et Kleztory aussi, avec lesquels il voyage autour du monde depuis plus d’une décennie. Dany nous raconte la genèse de cette étonnante déconstruction-reconstruction : « Il y a des artistes que l’on croise au hasard et qui, par la force de leur parole, nous frappent et nous marquent à jamais.C’est ce qui m’est arrivé la première fois que j’ai entendu le poète français Rémo Gary au festival de la chanson de Tadoussac, il y a de cela quelques marées. Après de bons échanges dans un café de Paris, c’était évident, je devais endommager son œuvre ».
Un mois avant la sortie officielle de l’opus (un EP qui a pour titre Dommage à Gary, parce que dommage est tout aussi vrai qu’hommage et que c’est plus joli et, peut-être, un peu vrai), ce Dany Nicolas est venu en exclusivité le présenter à Bourg-en-Bresse, au théâtre Artphonème, un des antres au Gary.
A l’écoute de ce Dommage à Gary, on est étonnés et c’est bien la moindre des choses, des effets. Des chansons de Gary avec moins d’accords, plus de rugosité. Pas décapées ni retapées, non, mais vivifiées autrement. Un peu comme ce qu’avait fait le Suisse Thierry Romanens de Brassens, il y a longtemps. Un habillage peut être plus propice à porter les mots de Gary sur d’autres scènes, de musiques actuelles sans doute.
Dany Nicolas chante en apparence de façon plus détachée, distanciée, moins impliquée mais il ne faut pas croire ce qu’on entend : il porte des textes qu’il aime farouchement. Et défend. Cinq titres sont ainsi passés au gant de crin : Balai de crin, C’est p’t'être ça l’bonheur (co-écrite par Gary et Nicolas, lire extrait ci-contre), Quand le monde aura du talent, Le petit matin et Avec la tristesse. Chansons auxquelles Dany Nicolas adjoint une des siennes : Le rubber à clou.
La réaction de l’endommagé : « Comme il le dit lui-même, il a désarrangé mes chansons. Parfait ! Elles en avaient pas mal besoin ».
Dany Nicolas, Dommage à Gary, Poisson à tiroir/Bonzaï 2019. La page de Dany Nicolas, pour commander ce disque, c’est ici ; celui de Rémo Gary, c’est là. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Rémo Gary, c’est là.
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