Festival Pays d’Aix 2019. Tom Bird, l’oiseau et la sirène
7 octobre 2019, Aix-en Provence, Théâtre de la Fontaine d’argent
Tom Bird, alias Kévin Fauchet, fait partie de ces troubadours modernes qu’on entendait dans les cabarets, qui ont des idées originales, une belle expression poétique, de la voix et un joli jeu de guitare. Ça tombe bien, nous l’avons vu dans une cave aixoise qui peut évoquer ces lieux d’antan, qui d’ailleurs il n’y a pas si longtemps était un caveau réputé pour la chanson française. S’il accueille maintenant des spectacles d’humour, il sert aussi de lieu de proximité une fois par an pour le Festival de chanson française. Et on y voit toujours de la qualité, dans une ambiance chaleureuse et conviviale.
Ce n’a pas été l’exception cette fois-ci. La scène s’est d’abord ouverte, en bonus non annoncé au programme, sur les chansons acoustiques d’Antoine Lentini en solo, le chanteur du groupe Prisme qui s’est produit quelques jours plus tard en formation rock aux Milles le 12 octobre. Un peu inquiet de jouer avec sa seule guitare acoustique, il a su chauffer la salle et donner un aperçu de son répertoire « Rien ne ressemble à l’aurore qu’un crépuscule de confort », ou « Le temps est une ordure qui ne respecte rien » avec des accents presque bréliens, la configuration sans orchestre mettant plus l’accent sur les paroles. Sa chanson Electrochoc, dédiée aux gens qui se droguent, petit court métrage en milieu médical, a marqué les esprits. A écouter en version rock dans notre article précédent.
Tom Bird, avec son allure atypique, cheveux soufflés au vent, moustache et barbiche, chemise fleurie, silhouette mince et expressive, fender en bandoulière, qu’il alterne avec une guitare acoustique, nous a d’abord joué la fin du spectacle. C’est que, finaud, il a remarqué qu’il y avait toujours plus d’ambiance en fin de concert qu’au début. Pourquoi ne pas commencer alors par les ovations de la foule impatiente de bisser l’artiste. Une autre ! Quel talent ! Ça marche à tous les coups.
Il a pu alors nous amener en douceur dans son univers singulier, ses expériences de vie et de relations humaines sur le fil, d’amours qui s’effacent, de rendez-vous ratés… L’histoire pourrait être triste s’il n’y avait toujours les chutes inattendues qui rendent sa mélancolie heureuse… « Rien que pour un soir j’ai vu la mer à Toulouse ». Ou le droit à l’oubli de celle dont le souvenir, égrené sur quelques notes acidulées de sa boîte à musique, vient tourmenter ses Dimanches « Parce que les dimanches ne me font plus peur […] Je me suis vidé à t’écrire / Mille et un bouquets de chansons / Aujourd’hui il me faut les offrir / A bien d’autres prénoms ».
Mais Tom est aussi fin observateur de ses contemporains. Il y a sa réponse en poésie, dite avec naturel, à ceux qui le traitent de bisounours et n’aiment ni les gens ni les choses. Son analyse des gens, A distance égale entre ceux qui pleurent, ceux qui rient, ceux qui vous ignorent, ceux qui s’aiment et vous font respirer le printemps. Ses amitiés fidèles mais pas dupes, de Roger à Véro : « Mes amis ce sont les miens / Alors pas touche, je vous préviens / Je me suis fait chier à les trouver / Allez vous chercher d’autres copains ».
Si cette chanson pleine humour et d’amour est plutôt folk et dansante avec son harmonica, la voix douce mais ferme se pose plus souvent sur des ballades, entre ses cordes de guitare et le piano romantique d’Alex Roman, se hissant parfois en vocalises, en boucles mélancoliques et mélodiques.
Tom sait gagner son public, cache bien sa supposée timidité pour nous présenter ses chansons, nous raconter des histoires, nous chanter (Sur ma page blanchie par ce trop long silence / Le givre y a fait son nid en niant l’évidence ) ou nous déclamer, nous slamer (A 3 étages) sa fine poésie. L’émotion qu’il distille en l’honneur d’un Daniel disparu m’a évoqué les plus belles chansons de Renaud à ses copains disparus. L’instrumental final vous emporte au paradis…
En rappel il nous offre la poésie sensuelle des Couloirs de ton corps, si évocatrice : « Dans le pli de tes pulpeuses arrogantes / J’y vois le plaisir que parfois tu me chantes / Je deviens récidiviste et retourne au supplice » finissant en apothéose musicale lyrique. Et en ultime rappel chante Papy au grand-père qu’il n’a pas connu, dans les yeux d’un spectateur choisi pour l’incarner.
Kevin Fauchet est également le musicien arrangeur de Leïla Huissoud pour son album L’ombre. Après deux EP en 2016 et 2018, il nous prépare un album. Nous avons bien hâte !
Le site de Tom Bird c’est ici.
Le 10 novembre, Tom Bird a obtenu au Sémaphore à Cébazat le Prix du Festival Pause Guitare, le Prix du Festival Les Automnales et le Prix C’Ma Chanson.
Tom Bird sera le 13 décembre au Millénium à l’Isle d’Abeau.
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