Les Oreilles en pointe 2019. Alexandre Castillon, belle pousse de la chanson
12 novembre 2019, festival Les Oreilles en pointe, L’Opsis, Roche-la-Molière,
Il nous arrive en scène tout auréolé du fier statut de « coup de cœur » des bénévoles du festival Les Oreilles en pointe, à l’issue d’écoutes marathon à l’aveugle. Convenons sans mal que ces gens-là ont fine oreille et bon goût. Voici donc ce Lyonnais dont la rumeur, flatteuse, est parvenue depuis pas mal de temps à nos oreilles.
Deux guitares et, plus surprenant, une viole de gambe qui donne un son particulier à qui sait bien entendre, une touche, personnelle, patine presque intemporelle pour un récital dont les chansons oscillent entre présent et presque toujours.
Est-ce, d’emblée, pour se faire remarquer, marquer les esprits, faire un tabac, toujours est-il que le premier titre, chanté bien rauque, voix nicotinée de circonstance, est sur la cigarette : « Allez salut vieux démon / Je rends service à mes poumons [..] J’avoue parfois je la regrette / Sans elle j’ai l’air d’une fillette […] La cigarette c’est dans la tête ».
La suite sera plus nuancée, par des propos non ambigus mais qui, pour sérieux qu’ils sont, aiment à ne pas se présenter ainsi.
« Je suis piégé sur mon perchoir / Y en a marre d’user des mouchoirs / De décalotter ma carotte / Mon cyclope recherche sa grotte […] Fenêtre sur cœur / Je l’ai grande ouverte / Viens à l’intérieur / Viens dans ma cachette ». On tiendra Fenêtre sur cœur pour chanson-étalon, où s’exprime toute la dramaturgie du propos. Et le talent de l’artiste, d’une voix en pleins et en déliés, entre le grave et la dérision, comme pour masquer un cœur blessé, une solitude mal vécue. C’est à l’aune de celle-ci qu’on aimerait voir Castillon sur ses autres compositions, ses autres tranches de vies. Car on décèle sans mal un petit côté brélien dans l’écriture, la passion et la dérision. Sans nullement singer le Grand Jacques, Alexandre pourrait apprendre de lui une plus grande implication, jusqu’à la gestuelle. Mieux encore endosser les rôles qu’ils jouent. Car on n’est pas loin de petits bijoux, aux multiples facettes, encore faut-il ne pas les habiter à moitié.
Je parle de Brel : c’est vrai que quand Castillon chante Les madeleines, même si ça n’a rien d’un rendez-vous manqué, on peut songer à lui. Quand il chante la difficulté d’être trop gentil et de se faire marcher dessus, on se dit que Les timides ne sont pas loin, au moins dans l’esprit.
C’est vrai qu’ici, hasard et malchance, il est desservi par quelques problèmes techniques qui le rendent un peu fébrile. Mais l’essentiel est là, il faudrait idiot ou distrait pour ne pas voir en Castillon l’énorme potentiel que recèle son art.
Alexandre Castillon est tout autant acteur que spectateur de ses histoires réalistes. Mi impliqué, mi détaché. Chansons qui, chacune, sont comme des courts-métrages biens construits, d’une écriture livre et rigoureuse à la fois. Aux sujets d’ailleurs sympas, surtout bien traités, avec toujours ce côté en partie fantaisiste mais pas trop. Comme ce petit bijou qu’est La grisaille : « Des fois comme ça, quand je m’ennuie / J’essaye de consoler la pluie / Je lui murmure des mots qui plaisent / Pour la sortir de son malaise / Je peux parler pendant des heures / Pour qu’elle essore enfin ses pleurs ». Vous aurez ainsi compris combien ce Castillon nous a plu.
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