Maxime Le Forestier, bain de jouvence
7 novembre 2019, salle Aristide-Briant, Saint-Chamond,
« On voyait partout des sardines / Alignées dans d’l'huile de moteur / Fallait donc qu’on couse à nos jean’s / Des fils de couleurs… ». D’abord cette foule, qui grossit à l’approche du concert. Toutes et tous contemporains des premières chansons de l’artiste. La nuit est tombée, bernique pour compter les fils de couleurs. Mais les cheveux blancs… À l’évidence, on vient retrouver ses jeunes années, une maison bleue accrochée à la colline, le flower power des années soixante-dix, l’espoir de ces années-là qui tranche tant avec le no futur d’aujourd’hui. « Ça commence par un coup d’bol / On arrive, on connaît personne / On tombe sur des gens sympas / Qui nous aiment déjà ». Salle pleine pour Le Forestier. La nostalgie ou les regrets sans doute.
Scène et salle s’obscurcissent. Et deux gars flanqués chacun de leur guitare prennent place. Dois-je vous dire le choc, l’émotion quand l’un des deux se met à chanter ? C’est la voix, la formidable voix de Le Forestier, mais en plus jeune, j’ose dire en plus belle encore. Ci-devant Arthur Le Forestier et Bruno Guglielmi, Alf & BG, deux voix pour seulement cinq titres, mais une séquence mémorable, extraordinaire même tant qu’on peut déjà se demander si c’est l’événement de cette soirée. « Si y’a des filles à regrets / Y’a des mecs à chagrin / On sait chacun où on se met / Et ça ne fait rien / On a les sentiments qu’on a / Et les lèvres ne mentent pas / Je suis ta petite erreur / Ta vraie lacune, ta folie d’un quart d’heure / Mon infortune / L’incident de parcours / La vraie galère / Celui qui donne à l’amour / Un goût amer… » (cf vidéo ci-dessous). À les écouter tous deux, il y a comme un semblant de Volo, vous savez les deux frères Volovitch. Les voix fermes et fragiles à la fois, la douceur et la mélancolie des propos, comme des plaintes, des complaintes… Magnifique !
On retrouve Arthur et Bruno après l’entracte, cette fois-ci comme guitaristes de la vedette. Voici Maxime Le Forestier. Avec dans ses bagages, sur le dessus, bien en évidence, des chansons de son récent album : Avec une guitare, Ça déborde (sur les déchets et autres ordures), Le grand connard, Paraître, La vieille dame, Dernier soleil… En fait presque tout le premier album. Ce qui est fait est fait. On se doute que le public est venu pour en entendre d’autres, bien plus anciennes. Tiens, Comme un arbre dans la ville ! Et puis, à un moment donné, le duo entre le père et le fils, surs deux chansons entrecroisées, emmêlées : L’éducation sentimentale et Fontenay-aux-Roses : « Vous êtes si jolies / Ce soir à la brume / Quant vous passez le soir ) Nous irons ma brune / A l’angle de ma rue… ». Chant partagé, transmission, le vieux et le jeune ensemble, magie…
Un contrebassiste, un percussionniste et trois guitaristes : Maxime Le Forestier n’a pas besoin de prendre la sienne. Caricature, L’homme au bouquet de fleurs, Chienne d’idée, Né quelque part, Les jours meilleurs, Ambalaba, Passer ma route, Raymonde… « Monde, monde / Triste monde / Si tu t’appelais Raymonde… » C’est désormais festival, qui va sonder nos mémoires, réveiller nos émotions qui feignaient d’être endormies. Et puis quelques notes si familières… « Si tu m’avais pas fait faux bond / Tu aurais fini mes chansons / Je t’aurais appris à en faire / Si la vie s’était comportée mieux / Elle aurait divisé en deux / Les paires de gants, les paires de claques / Elle aurait sûrement partagé / Les mots d’amour et les pavés / Les filles et les coups de matraque… » Là, par Mon frère, nous avons presque cinquante ans de moins. Retour aux années d’avant Giscard, bain de jouvence : ça ne dure que trois minutes mais c’est fou ce que ça fait du bien.
Dans cette salle, nous sommes tous des enfants de 68, qui ont souvent mal tourné. Là, on se fait une piqûre de rappel, shoot de pur plaisir. C’était au temps où les maisons étaient bleues, où « On se retrouve ensemble / Après des années de route / Et l’on vient s’asseoir autour du repas / Tout le monde est là, à cinq heures du soir ». C’est sur San Francisco que Maxime Le Forestier (après toutefois un Brassens de derrière les fagots), à la guitare pour la seule fois du concert, nous quitte, comme si cette chanson à elle seule était le générique de nos souvenirs et de son œuvre .
J’ai compté sur les doigts de mes mains et, ne le dites pas, sur celles de ma voisine : y’a tant de titres que j’aurais aimé entendre que le choix est de toute façon impossible. A tout prendre, c’était déjà ça, c’était bien.
Le site de Maxime Le Forestier, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Le site de Alf & BG, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’Arthur Le Forestier ; ce que nous avons déjà dit de Bruno Guglielmi, c’est là. En concert du 14 au 16 novembre au Casino de Paris.
Arthur Le Forestier « La p’tite erreur » audio 2018
Bruno Guglielmi & Arthur Le Forestier « Le pigeon », Sentier des Halles 2012
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