Marie Laforêt, 1939-2019
Elle fut actrice mais, malgré quelques rôles d’importance (chez Lautner, Verneuil, Molinaro, Mordillat, Deville, Chabrol, Solanas et quelques autres), ce n’est pas ce qu’on retiendra d’abord d’elle. Actrice par hasard, remportant en 1959 un concours d’Europe1, « Naissance d’une étoile », où elle remplaçait sa sœur au pied levé : elle décroche un rôle dans un film de Louis Malle, qui ne se fera jamais. C’est dans Plein Soleil, de René Clément, aux côtés d’Alain Delon et de Maurice Ronet, qu’elle fait l’année suivante sa première apparition sur le grand écran. Du cinéma à la chanson, il n’y a qu’un pont qu’on franchit alors souvent, dans les deux sens : c’est d’ailleurs le succès de Jeanne Moreau qui amènera l’avènement de Marie Laforêt, née Maïtena Douménach. Même si un premier 45 tours est pressé en 1960 (Saint-Tropez Blues, en duo avec… Jacques Higelin) c’est en 1963 qu’elle naît véritablement à la chanson. Avec Viens sur la montagne et Les vendanges de l’amour. Ça et les titres suivants, adaptations de succès étrangers (comme El condor pasa) ou chansons originales, souvent d’une patine néo-folklorique (qui seront vite reprises dans les carnets de chants des colonies de vacances) dont parfois des vraies chanson traditionnelles comme L’amour de moy et Belle qui tiens ma vie, lui amèneront un très grand succès, d’autant plus qu’elle est vite coutumière des émissions de télé des Carpentier et de Guy Lux. Sa voix n’y est d’ailleurs pas pour rien : rauque, elle détonne parmi les autres artistes des variétés d’alors, toutes plus lisses que les autres, formatées.
Sa grande notoriété, ce pourquoi elle est toujours en nos têtes, se limite pourtant à une décennie : une décennie de titres fameux : Mon amour mon ami, Que calor la vida, Ivan Boris et moi, La bague au doigt, Manchester et Liverpool, Mes bouquets d’Asphodèles, Le lit de Lola… Même si elle reste productive dans les années soixante-dix, ses chansons – si ce n’est le fameux Viens viens, Cadeau et Il a neigé sur Yesterday, un hommage aux Beatles – marquent moins les esprits, absentes qu’elles sont désormais de notre mémoire collective. Puis elle quitte la chanson pour devenir commissaire-priseur. Chassez le naturel qu’il revient au galop : des come-back successifs (un disque en 1993, un autre fait d’inédits enregistrés en public en 1998, un tour de chant au théâtre des Bouffes parisiens en 2005) resteront sans lendemain.
Qu’importe. Marie Laforêt, qui a aussi enregistré en italien, en espagnol et en portugais, s’inscrit sans mal dans la grande Histoire de la chanson française, fût-ce d’une esthétique désormais surannée, d’une époque aujourd’hui révolue. La pleurer n’est pas incongru.
N’oublions pas qu’elle fit connaître Bob Dylan en France avant Hugues Aufray.
Sa version de « Blowin’ the wind » (avec jacques Higelin à la guitare) avait précédé les interprétations (en français) de Hugues Aufray, lequel semblait d’ailleurs ne pas s’en souvenir.
Cher Michel Kemper,
dans le message ci-dessus j’avais écrit « Igelin » car sur le disque 45 tours, c’est crédité ainsi: « Jacques Igelin »… Mais il s’agit bien sûr de J. Higelin. qui, à l’époque, était un parfait inconnu.
D’où la faute d’orthographe sur son nom, que plus personne ne ferait aujourd’hui.
Bien sincèrement.
J’ai honte, Joël, je ne savais pas. Je trouve l’anecdote savoureuse. Merci de nous la rapporter.
Saint-Tropez blues, musique du film de Marcel Moussy, avec Higelin https://www.youtube.com/watch?v=gwFz7BSvlow
De ma lointaine Afrique j’ai versé des larmes inconsolables. Elle a bercé mon adolescence et j’avoue un « pêché de midinette ». J’étais un peu amoureux d’elle. J’ai toujours adoré Marie Laforêt, la chanteuse, l’actrice, sur disque et sur scène. Dans le rôle de Maria Callas elle était non seulement habitée par le rôle mais le rendait crédible. J’ai vu 3 fois la pièce.
J’aurais eu le privilège de voir son dernier concert aux Bouffes Parisiens en 2005 malgré le fait que c’était à guichets fermés. La voix demeurait intacte, la présence sur scène d’une grande intelligence et d’une élégance déconcertante. Le public était en transe.
Même sur des chansons assez commerciales « Viens Viens », elle arrivait à y apporter une intensité que son talent d’actrice savait doser, maîtriser.
C’est une immense dame de la chanson française qui vient de nous quitter et j’en suis bouleversé. Il est important également de souligner qu’elle a écrit ou adapté plusieurs textes de ses chansons d’abord sous le pseudonyme de Françoise They, ensuite sous son propre nom. Et ces chansons ne sont pas à négliger.
Il serait enfin temps qu’une vraie intégrale soit rééditée. Celle des années « Festival » hélas épuisée et tout ce qu’elle interprété plus tard. Moby Dick, La Madeleine, Une petite ville,
Il y a des chansons emblématiques telles que « Je voudrais tant que tu comprennes » qui ont été reprises (Luz Cazal, Mylène Farmer) dont la dramaturgie est d’une belle facture. Seule avec Francis Lai à l’accordéon, cette chanson montre à quel point Marie Laforêt est exceptionnelle.
Bel hommage … « Avec un soupçon de réserve toutefois » quant à la forme. La bonne vieille confusion entre « dénoter » (synonyme = indiquer) et « détonner » (synonyme = trancher). C’est une faute courante mais elle a le don de m’écorcher les yeux. Il fallait donc écrire ici « rauque, elle détonne parmi les autres artistes des variétés d’alors … »
Mon père André Popp considérait Marie Laforêt comme l’une des interprètes les plus douées qu’il ait jamais rencontrée. Il a été en charge de ses arrangements de 1963 à 1970 et lui a composé 18 chansons qui sont des petits bijoux mélodiques servis par des arrangements ciselés à sa voix. Tous ces titres sont bien entendu inclus à l’intégrale publiée en Mars 2020 par Universal de toute l’oeuvre chantée de Marie Laforêt (18 cd , 378 chansons) à laquelle Marie travaillait depuis Juin 2018. A cette occasion, elle avait confié qu’André Popp » lui avait vraiment servi de guide musical dans ces années là » en rajoutant avec son franc parler habituel qu’il ne « s’était vraiment pas foutu de sa gueule et lui avait offert des orchestrations et compositions qui n’avaient pas d’équivalent dans le paysage chanson ».
4 de ces chansons (Mon amour, mon ami, Manchester et Liverpool, Le lit de Lola, Pour celui qui viendra) sont intégrés au coffret de 6 cd « La Musique m’aime » consacré aux diverses expressions musicales d’André Popp.
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