Je Chante ! Legrand, Laffaille, Bobin, Doyen… Ah, Doyen !
Nous nous étions habitués à recevoir la livraison annuelle de Je Chante ! Magazine à l’Épiphanie, histoire de bien le distinguer des cadeaux de dessous le sapin. Le voici, avec plus de deux mois d’avance sur les précédents. Et un sommaire (comme toujours) passionnant. Passons vite sur Frédéric Bobin, « artiste et artisan », grand habitué s’il en est de NosEnchanteurs, qui s’adjuge quatre pages d’un utile entretien : comment, de la fusion des frères Bobin, l’un à Nevers l’autre à Lyon, naît un tel répertoire… Saluons quatre autres indispensables pages sur Gilbert Laffaille pour la sortie de son livre Kaléidoscope, occasion s’il en est d’en reparler, justement pour le mettre sous le sapin. Le dossier de ce numéro 16 de notre estimable confrère est consacré à Michel Legrand « en chanteur » : un dossier une fois encore solide, documenté, impressionnant.
Et puis, sorti de loin dans nos mémoires, un passionnant papier sur Jacques Doyen, article qui a au moins le mérite de nous rappeler son existence. Jacques Doyen ? Ça nous parle d’un temps que les moins de… J’en ai soixante et n’ai pas connu Doyen en scène. Ce fut un diseur. Il fut un temps, à peine imaginable désormais où on payait sa place dans des salles de spectacles pour applaudir un artiste qui, sans renfort du moindre instrument, vous disait des poèmes. Du Paul Éluard, du Baudelaire, du Rainer Maria Rilke et du Desnos, du Bosquet et du Bérimont, Miller et Camus, Guillevic, Laforgue, Michaux, Larbaud… Et du Blaise Cendrars, dont il disait aussi La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France…
Tout le monde s’accorde à dire qu’il était le meilleur dans sa spécialité. Il s’est produit dans toutes les salles, de cabarets parisiens en palais moscovites. On l’a réclamé, acclamé de partout. Il fut star d’un art qui n’existe plus. Je ne l’ai jamais vu en scène mais connu sur le tard, dans son exil, un appartement exigu et sombre de Caen. Toujours malade même quand il ne l’était pas.
De longues années durant, Doyen et moi conversions chaque dimanche, à pile 10 h 30, sonnerie codée pour ses seuls amis proches. Pour Christian, l’autre de ses deux seuls amis, c’était chaque dimanche à 14 heures. C’est la rédaction de mon livre sur Lavilliers* qui nous avait ainsi rapprochés. Un jour, Jacques a cessé de décrocher son téléphone, n’appelant plus pour lui que la solitude et la mort qui toujours tardait. Je le retrouve, quelques années plus tard, dans les pages de Je Chante !, allongé sur son lit d’un hospice de vieux, accordant un long entretien. Par la plume de Frédéric Régent, c’est toute la vie de Jacques Doyen (qui avant d’être diseur, fut chanteur sous le blaze de Rémi Clary, premier interprète de chansons de son grand ami Youssef Mustacchi, qu’on connaîtra plus tard sous le nom de Georges Moustaki) qui défile. La gloire puis l’oubli. Je suis touché d’ainsi renouer avec mon ami. J’entends de nouveau sa voie plaintive et douce. Et retrouve quelques anecdotes que je savais, comme celle-ci, relative à Lavilliers : « J’aime beaucoup Bernard. Après le spectacle à La Contrescarpe, notre grand plaisir à tous les deux était de nous asseoir dans la salle vide et de chanter ensemble la Chanson de Lola, du film de Jacques Demy : j’adore Jacques Demy, mon film préféré c’est Les parapluies de Cherbourg, j’ai dû le voir trente fois ! »
Au sommaire de ce numéro, on trouve aussi Marcel Azzola, Mireille et Jean Nohain, Mick Micheyl et pas mal d’autres. Un grand cru. On regrette seulement, comme à chaque fois, que Je Chante ! ne sorte qu’un seul et unique numéro par an. Merci à Raoul Bellaïche et à son équipe !
Le site du magazine Je Chante !, c’est ici ; on peut aussi commander cette revue (et les précédents numéros) sur le site EPM.
*Les Vies liées de Lavilliers, Flammarion 2010.
Sur cette vidéo, Jacques Doyen (et Jacques Bertin) en 1967 à La fine fleur, l’émission télé de Luc Bérimont :
Michel Legrand, qui fait l’objet du dossier et de la une de Je Chante ! :
« Un seul et unique numéro par mois » ?
Plutôt un seul numéro par an, hélas…
oups, c’est corrigé ! Merci de votre attention, Joël
Je trouve très dommage que le nom de Chelon ne soit pas mentionné. Une page lui est consacrée dans la revue, évoquant son passage à l’Olympia en septembre dernier ainsi que la sortie du CD « Essayez Dieu ».
On ne peut citer tout le monde. Rassurez-vous, NosEnchanteurs chronique son nouvel et excellent album, Essayez Dieu, dès le début de la semaine qui vient. Chelon nous est très important.
Merci
dans son livre avec Valerie Lehoux J .explique qu’a ses débuts il avait essayé de retirer le H de son nom car « trop alsacien ».Mais on est loin de l’émouvante évocation de Jacques Doyen….
Jacques Doyen nous a quittés paisiblement dans l’après-midi du lundi 14, à 92 ans ; il a succombé à un cancer qui s’était déclaré il y a à peine deux mois. Ses obsèques seront célébrées à Caen, dans la plus stricte intimité. Ayons une pensée pour cette homme de qualité, qui a eu une vie plus que bien remplie et que j’ai eu la chance de rencontrer. Maintenant, il a retrouvé son amie Hélène Martin et tous ses copains de la rive gauche…