Vincent Delerm chante les scénarios de l’intime
24 octobre 2019, La Cigale, Paris,
En concert, Vincent Delerm conjugue l’art de planter le décor et de la mise en scène de ses chansons écrites comme autant de pastilles de l’intime. Après une première partie (1) voilà que l’on découvre une scène vide, nue comme un jour sans pain. L’artiste arrive sans façon, baskets blanches et vêtements noirs. Un écran laisse entrevoir que des titres seront parfois donnés aussi à voir. Quelques mots en introduction et le scénario, plutôt bien construit, se déroule, alternant poésie, nostalgie et humour. Un piano électrique Fender Rhodes s’installera temporairement sur scène avant de rejoindre les coulisses. En fait, on s’en doutait un peu, un vrai spectacle avec un fil rouge : évoquer ce sens des choses de la vie qui en chansons offre une belle place à Vincent Delerm bien sûr et à autrui. Chacune et chacun s’y retrouve, entre gravité suggéré et moments où l’on rit de bon cœur.
A l’évidence le normand Vincent Delerm aime flâner, nomade dans les rues de Paris, riche d’un univers fort en sentiments. Ses chansons comme des cachous (pub gratuite) sont autant d’invitations à vivre mieux. Familier des tubes d’Oscillococcilum Vincent Delerm se veut plutôt homéopathie que traitement de choc. Le plus souvent dans une formule piano/voix, rejoint à l’occasion par d’autres musiciens en images, accompagné parfois en voix off, l’artiste démontre qu’il a su enrichir ses couleurs musicales et son jeu de scène. Contemplatif, sans les secours de la transcendance, le voilà en communion avec son public dans une salle parisienne qu’il chérit, la Cigale. Moins un chef de file qu’un touche à tout, chanson, théâtre, photo, cinéma, singulier.
La sortie du nouvel album Panorama (encadré ci-contre) donne lieu à découvrir sur scène quelques-uns des titres d’un ensemble cohérent. Celui qui s’est construit en écoutant les chansons des autres (Souchon, Laffaille et bien d’autres) a trouvé son style, reconnaissable dès les premières notes. Le tout nouveau Panorama, justement, ce titre qui dessine une humaine sensation, et rythmé par une citation du cinéaste François Truffaut « Les films sont des trains dans la nuit ». Ou encore La vie Varda (Agnès, la cinéaste) où il s’agit de plaider pour « une vie hors compétition ». Tout un programme. Avec Vincent Delerm on découvre un film d’époque qui s’inspire du temps qui passe. Le rapport à la mince épaisseur de temps que nous nommons actualité en fait son caractère volontairement décalé. Il y a bien « les filles de 1973 ont trente ans» repris en chœur par la salle mais tous ces scenarii de poche, ces instantanés, échappent à une datation trop précise. Le passé pour Vincent Delerm c’est par quoi on est passé. Quant au présent… allez savoir.
Revisitant quelques-uns de ses succès, Vincent Delerm montre qu’il a su se livrer, sans trop s’exposer. Du grave au plus léger, il y a encore ce moment où l’ami Albin de la Simone raconte sur écran une histoire drôle improbable, séquence suivie habilement toujours sur l’écran par une autre où Vincent Delerm déploie une guirlande multicolore, comme pour un jour (une soirée) de fête. Jamais en reste pour ne pas se prendre top au sérieux. Comme dans l’allusion dans une autre chanson à l’allure vive d’un coureur kenyan, image qui fait bien rire la salle.
Et l’on s’est quitté avant quelques bis sur des images en noir et blanc de deux enfants et de leur mère saisis dans un paysage exotique. La part d’enfance en nous et la suite des générations. D’autres émotions à venir, celles d’un parent. Qui a parlé de nostalgie ?
(1) Alice Dutoit, chanteuse belge, plus connue sous son nom de scène d’Alice on the roof.
Le site de Vincent Delerm, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. En concert à La Cigale à Paris du 5 au 9 novembre et du 3 au 7 décembre 2019 puis en tournée à partir du 11 février 2020 (Toulouse).
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