Patrick Bruel, le charme, le talent et l’ambition
Patrick Bruel. Encore aujourd’hui, séquelle de la Bruelmania des années 90, évoquer son nom suffit à faire grincer bien des dents et à déclencher des salves de « Patriiiiiiiick » qui se voudraient drôles, alors qu’ils sont juste démodés. Pourtant, avec 10 albums studio (sans compter les disques live) et une cinquantaine de rôles – cinéma et théâtre – derrière lui, l’artiste a fait ses preuves et largement prouvé qu’il était bien autre chose que le chanteur à minettes que certains voulaient voir en lui à ses débuts.
Une belle occasion nous est donnée en librairie de découvrir le chanteur-acteur en profondeur, loin des feux de sa récente actualité qui ont pris le mauvais éclairage du fait divers. Frédéric Quinonero, déjà auteur de biographies sur Johnny Hallyday, Michel Sardou, Sheila ou Françoise Hardy, s’est en effet penché sur la carrière et la vie de Patrick Bruel Benguigui (son nom officiel depuis 2003), de sa naissance à Tlemcen, en Algérie, voici 60 ans, à sa dernière tournée triomphale. Un livre écrit d’une plume alerte, dans un style clair et soigné, avec la distance nécessaire pour ne pas tomber dans l’hagiographie et en respect total de l’artiste et de son public.
Tout savoir sur Bruel, sa vie, son œuvre ? Le livre permet en tout cas d’en découvrir bien des aspects. De son enfance déracinée d’enfant pied-noir, de ses coups de foudre adolescents pour ces artistes – Reggiani, Barbara, Sardou… – qui lui donneront envie de suivre cette voie. De ses débuts de comédien, en fils de Roger Hanin dans Le coup de sirocco, ou partenaire de Micheline Boudet dans Le Charimari, pièce de théâtre écrite par Pierrette Bruno. De la naissance du 45 tours qui l’a fait connaître, le fameux Marre de cette nana-là, écrit avec son vieux complice Gérard Presgurvic. Du succès triomphal de son second album Alors regarde. De ses amours compliquées et de sa judéité revendiquée. De ses engagements politiques et humanitaires. De ses passions multiples et activités annexes. Un tour d’horizon qu’on n’oserait jurer exhaustif, mais à coup sûr très complet.
Le livre est le résultat d’un énorme recensement d’extraits de presse, assortis de quelques entretiens éclairés (par exemple, Laurent Chalumeau, écrivain-auteur, ou Roland Romanelli, le fameux accompagnateur de Barbara) et de témoignages de fans. Toutes les déclarations de Bruel sont recoupées et mises en perspectives, en lien avec les paroles de ses chansons, tant il est vrai que l’artiste puise surtout son inspiration dans les événements de sa vie personnelle. Un cahier de photos nous permet de prendre un coup de vieux à la vision de ces images du chanteur frais émoulu. On achève sa lecture par une discographie très complète, recensant toutes les chansons enregistrées, versions espagnoles et participations aux disques collectifs comprises, avec crédit des auteurs ayant prêté leur talent à Bruel (Gérard Presgurvic, Marie-Florence Gros, Félix Gray, Bruno Garcin, Pierre Lapointe…), ainsi qu’une filmographie reprenant l’ensemble des films et téléfilms auxquels la vedette a participé.
Le livre permet-il de changer notre regard sur Bruel ? Il dresse en tout cas l’attachant portrait d’un homme pressé, multipliant les activités, en recherche continuelle d’attention et voulant plaire à tout prix à tout le monde, doté d’une solide ambition et d’une volonté de fer pour arriver à ses fins. Mais aussi d’un homme fidèle en amitié, soucieux des autres, qui s’entoure intelligemment des meilleurs et suit sans dévier le chemin qu’il s’est fixé. Et lorsque le succès est à la clé, il n’est jamais le fruit du hasard, mais bien celui d’un travail forcené.
Élégamment sous-titré Des refrains à notre histoire, le livre souligne enfin l’incroyable lien qui unit Patrick Bruel à son public. Son répertoire n’est certes pas toujours imparable (il a quand même chanté une ineptie comme « Tout l’monde peut s’tromper / Même Napoléon / Qui était loin d’être con / Même le grand César / Qu’était pas un ringard »), mais avec quelques titres comme Place des Grands-Hommes, Casser la voix ou Qui a le droit, tous empreints de justesse et de sincérité, il a gagné le cœur des gens, prêts désormais à le suivre dans toutes ses aventures. Les centaines de milliers de personnes qui l’ont déjà applaudi savent que la scène est son élément, l’endroit où il est à sa place, là où il peut étancher sa soif inextinguible d’amour et de reconnaissance, où il se donne et s’abandonne sans compter. Bruel en concert ne triche pas. Pour un joueur de poker, c’est bien le moins.
Frédéric Quinonero, Patrick Bruel, Des refrains à notre histoire, L’Archipel, 2019, 20 €. Ce que NosEnchanteurs a déjà écrit sur Patrick Bruel, c’est ici.
« Au café des délices »
Un livre sur Bruel ? Non, merci. Pour moins cher j’ai vu à la fois Lise Martin et Marion Rouxin et j’irai voir Enzo Enzo avec Laurent Viel puis Chouf et Bossone. Il faut faire des choix !
Nul ne vous oblige, Robert, d’acheter cette biographie. NosEnchanteurs se veut être un reflet de la diversité de la chanson : si nous y privilégions les artistes peu présents dans les médias (c’est l’essentiel de nos publications), nous aimons aussi chroniquer des disques et livres de plus grande « consommation » pour peu qu’ils soient de qualité. C’est le cas avec ce livre honnête, bien écrit et documenté de Frédéric Quinonero.
Je ne me suis plaint de rien. Simplement une « saine humeur ».