Clio, dans ses romans d’amour
Essayez de trouver « Clio » sur un moteur de recherche, une fois passé les multiples occurrences sur Renault, le constructeur automobile, pas le chanteur. Mais il n’est pas dit qu’un jour, bientôt, notre jeune chanteuse grille la politesse, fasse une queue de poisson à cette file d’autos. Car, à l’occasion de son second album, Clio est distribuée par une major, Sony Music : grande distribution, presse, radios et télés à venir, le succès semble être à portée de voix. Même si, paradoxalement, sa voix est fluette.
Encore que – c’est imperceptible mais – moins qu’avant. Sa voix gagne, un peu, en ampleur, en assurance peut-être. En parallèle, la musique gagne elle aussi en importance. Le premier album fut gravé en deux semaines : les séances de studio pour celui-ci se sont étalées sur toute une année. A la guitare acoustique du premier album, c’est presque un orchestre qui se substitue : claviers, boîte à rythmes et batteries. Tous, même l’électro, au service de jolies chansons où l’amour est toujours en première ligne. Clio ne chante-t’elle pas « Amoureuse / J’tombe amoureuse / Assez souvent / Ça s’entretient les sentiments / Sitôt qu’on m’touche / C’est de l’encre pour mes cartouches ». Ça et, comme toujours, l’observation à la manière d’un cinéaste, caméra fixe, large focale. Ce sont des panoramiques amoureux où la caméra fouille et capture les sentiments : émois, passions et regrets, rupture : « Mais elle est faite ta valise / Dans ta tête c’est déjà Venise / Mais elle est faite ta valise / Y’a les cintres, plus les chemises / J’aurais dû y penser avant / Laisse-moi laisse-moi partir devant ». Et jalousie « porque te vas » : Clio réinvestit la trame musicale du tube de Jeanette de 1976 pour y explorer la rivalité. Encore l’amour. Comme « Dans mon histoire d’amour / Je serai Romy Schneider… », autre scénario, autre dramaturgie faite d’éclats de rires et de larmes, de nuits sans sommeil, d’orages et, là aussi, de bagages.
L’évocation de Romy par ci, une capture de la voix de Luchini par là, le cinéma est bien là, évident. Les champs et contrechamps de son chant avouent le cinéma, l’attirent à lui, créent les décors : le Louvre (« De la Tour, Delacroix, l’amour pourquoi pas… »), Venise, l’averse, la neige, le Bar de l’oubli… Ça et la façon d’écrire, d’interpréter, délicatesse, lenteur, nonchalance parfois, tout nous rappelle un autre artiste, comme si Clio était pour longtemps le féminin de Delerm (ne vous emballez pas, le duo entre Clio et Vincent, c’était sur Eric Rohmer est mort, sur le précédent album de la dame). Aujourd’hui c’est avec Ours, en duo, qu’elle caresse l’idée de s’embrasser sous l’averse : ça ressemble plus à un film d’Ozon qu’à une chanson de Brassens. C’est sans parapluie !
Très bel album que celui-ci, mais. Toute délicate et sobre puisse être l’instrumentation de cet album, agréable sur le moment, on peut se demander si un tel choix ne va pas fatiguer prématurément ces chansons, n’en programme pas de fait l’obsolescence. Car tout passe, tout lasse, surtout de tels sons. Ce serait dommage.
Clio, Déjà Venise, uGo&Play/Sony Music 2019. Le site de Clio, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
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