Off Avignon 2019. Sarclo, si Dylan partait avant lui
12 juillet 2019, L’Atypik Théâtre,
« Hé Monsieur Tambourine man / Tu vois bien je ne vais nulle part et je ne peux pas dormir » Encore une fois, Sarcloret ne traduit pas mot à mot*, n’inter- prète pas non plus, au sens de donner une autre signification. Il redonne les couleurs de Dylan.
Sarcloret est de retour à l’Atypik à Avignon, et il remplit sa salle encore avec ses chansons de Dylan, son air de folkman philosophe revenu de tout mais qui espère encore, sa voix qui s’éraille sous les émotions et qui touche à vif.
Il a sorti le grand jeu, chemise blanche avec sur la poche près du cœur Ariane qui est sur son affiche, jean bleu délavé et bottes fauves. Il a toujours sa batterie de guitares, dont il change avec élégance, tant que c’est à peine si l’on s’en aperçoit. Il vous fait face debout ou assis sur son tabouret, et les chansons drôles, La ferme de Maggie, Ton joli p’tit Bibi en peau de léopard ( Leopard-skin Pill-box Hat ), Motor psycho nightmare font sourire entre deux mélancolies. D’ailleurs chez Dylan c’est comme dans la vie, des moments de tendresse, des déchirures, des scènes triviales, et puis c’est vous qui le sentez. Chaque fois que vous l’écoutez vous comprendrez une chose nouvelle, mais vous ne saurez jamais si vous vous trompez. Parce que c’est le but du jeu.
Dylan c’est des bouquets d’images des villes et des grands espaces de là-bas, North Country, Maggie’s farm, des trains qui partent vers l’ouest. Ça vous ouvre des horizons, ça vous raconte des histoires et en même temps c’est en vous. Il pleut souvent mais le soleil vous sèche sur place. Et des filles vous offrent un abri. Des gens se croisent, se cherchent ou se cognent. « A quoi bon chercher le pourquoi du comment ? »
A sa manière Dylan peint l’Amérique et les humains comme Hopper ou Grant wood, et nous laisse deviner leurs sentiments sous leurs masques impassibles. Il a le sens de la tragédie yankee, le juge, le dead or live, la potence et le corbeau, ça vaut tous les westerns, ces ballades qui vous lèvent le poil, comme Seven Curses. Mais sans Sarclo tout ça vous ne le sauriez pas : il fait œuvre d’utilité publique pour vous faire comprendre l’esprit et l’humour ricain, plutôt loin de nous, même sans la barrière de la langue. A propos de langue, connaissez-vous la définition de l’amour par Sarclo ? L’amour c’est une grosse amitié avec un petit poil sur la langue. Des questions ?
Sarclo a renoué avec ses concerts des années 90, avec son humour vache, ses contes féroces entre les chansons, qu’il nous dit au plus près, sans micro. N’y croyez pas, ce sont des balivernes, des âneries dit-il, rien n’est vrai, ni les suites secrètes d’accords d’Hugues Aufray ni celles de Nana Mouskouri ou de Richard Antony, mais il s’y cache de vrais souvenirs, et des poils de vérité. Quand il nous dit qu’il a repris certaines phrases de Cauchemar psychomoteur, adaptation « française » de Delanoé pour Hugues Aufray, c’est vrai. Il a juste dynamisé la version avec quelques détails pittoresques « J’ai cogné chez un fermier chez qui j’aurais pu pieuter (…) Il m’a collé son fusil au milieu des abattis ». Curieusement c’est plus français et plus américain aussi…
De Dylan il a laissé cette année la chanson la plus difficile, cette Lily… que je m’étais évertuée à comprendre l’an dernier, rejetée à la fin dans l’album (que je vous conseille d’acheter), mais il y a toujours mes deux préférées. Un matin de trop (One too many mornings) et Dirge : « I hate myself for lovin’ you and the weakness that it showed ». Ça donne « J’peux plus m’voir de t’aimer comme ça ».
Il nous l’a déjà chanté : « Si Bob Dylan part avant moi / Comment je dirai mon émoi ? ».
* « Hey! Mr. Tambourine man, play a song for me / I’m not sleepy and there is no place I’m going to »
Sarclo chante Dylan in French, c’était à l’Atypik Théâtre du 5 juillet 2019 au 28 sauf les mardis. Il devrait y avoir des programmations Chez Thénardier à Montreuil à l’automne, à suivre.
Le site de Sarcloret, c’est ici (on peut y acheter son album) ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là. Le site officiel de Bob Dylan, c’est ici : une mine d’or.
Don’t think twice it’s all right
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