Off Avignon 2019. Les Monsieur Monsieur, s’envoler sur les ailes du Temps
9 juillet 2019, Théâtre du Chapeau rouge
Ils sont deux venus d’Helvétie, Laurent Brunetti, le plus grand, le plus costaud, auteur et chanteur-comédien. Mario Pacchioli est pianiste, compositeur mais également chanteur et comédien. Ça fait un moment qu’ils tournent dans le monde entier avec leur boîte à musique et à souvenirs : un piano – « Je ne sais pas pourquoi / Cette mélodie me fait penser à Varsovie » – Non rien à voir, mais c’est l’illustration du pouvoir de mémoire …
Pêcheurs de rêve, succès à Avignon depuis 2017, ce n’est pas un récital chanson, c’est une promenade musicale dans les souvenirs de ces deux Messieurs là, des textes originaux de Laurent, des musiques de Mario.
Laurent vous emporte dans son grand salon, dans les rues de Paris où il pleut, de sa voix claire et chaleureuse qui parle doucement, articule, s’élève soudain sans retenue, comme pouvait le faire Edith Piaf. Ça tient du conte, ça parle à nos âmes qui ont gardé leur fraîcheur d’enfant ; on voit que ceux là sont comédiens, ils remplissent toute la scène rien que par leur charisme bienveillant : « C’est le retour du narrateur, le raconteur le légendaire, l’homme qui assure la relève, de nos ancêtres à notre temps ».
Le piano sait créer des ambiances, clochettes, pas légers sur les notes, couples qui tourbillonnent, nous voici dans une salle obscure où se projettent les images tremblotantes d’un vieux film muet, valsant sous les ponts de Paris, ou au bras d’un amant de Saint-Jean. Il invente des suspenses, des histoires, tout autant que les textes de Laurent. Les chœurs à bouche ouverte ou fermée si légers et si présents à la fois, participent de cette évocation, et le duo sait tout suggérer avec rien. S’échangeant les rôles, se répondant ou en fusion, dans une communion artistique exceptionnelle.
Ils savent rouvrir la malle du temps dans ce lieu qui jadis fut boulangerie. On y trouve des roses pour les petits princes ou princesses que nous fûmes, des ballons, des cerfs-volants. Mais aussi tout un monde baroque quasi burtonien, ambiance Cirque des mirages, avec cette histoire invraisemblable de croque-mort, « styliste réputé du grand gala des RIP (…) l’artiste des bois lustrés ».
Laissez vous emporter dans le monde de l’imaginaire : ce sont des déclencheurs de rêve… ou de cauchemars, où les « amoureuses » se révèlent dangereuse addiction « Je pleure entre tes doigts / Où es-tu Cendrillon / J’épouserai le bois / Ma peau blanche … »
Les deux complices n’ont aucune limite pour déclencher les émotions, nostalgie des instants d’enfance, « J’ai vu grandir la mer (…) Mon père pêcheur de rêve avait saisi le temps / À mon anniversaire de m’offrir un cerf-volant », chanson d’amour « Je remplirai d’étoiles ton ventre de velours ».
Laurent peut devenir lyrique, et vous toucher aux larmes, laissant toute pudeur de sentiments au vestiaire, et le piano fait l’amour avec lui : « Ça ne s’écrit pas une chanson d’amour / Ça ne se chante pas (…) Mais… puisse-tu m’aimer moins mal, c’est ma chanson d’amour ». Et si ça ne chante pas, ça se tourne en délire « Aimez à perdre la raison… » et vire en danse slave. Et ces délires comiques sont complètement libérateurs.
Le public a abandonné tout critère de logique, s’envole sur les ailes du papillon. On songe au gros Monsieur rouge qui fait des additions… et au Petit Prince.
Comment à notre époque, peut-on encore écrire une lettre qu’on n’enverra pas à une dame déjà prise, comment peut-on faire refleurir des fleurs à son balcon avec autant de délicatesse et de poésie… Réaliser un spectacle aussi parfait rien qu’à la force du talent et la puissance de l’imaginaire ?
Avec les Monsieur Monsieur, nous sommes tous des petits princes, et ça fait un bien fou.
En guise de dessert, il vous sera (peut-être) offert une chanson gourmande, ennemie des poignées d’amour d’une infinie drôlerie… Et une fraise tagada !
Les Monsieur Monsieur, Laurent Brunetti et Mario Pacchioli, « Pêcheurs de rêve », 16h35, dernière le 27 juillet 34 rue du Chapeau rouge.
Le 4 octobre 2019 à la Fondation suisse à Paris.
Et également une nouvelle création qui remporte déjà tous les suffrages « Ni Brel ni Barbara », une production qui paraît aussi brillante qu’émouvante, à la Tâche d’encre 1 rue Tarasque à 19h, encore deux séances samedi 27 et dimanche 28.
Pour faire se rencontrer « Dis, quand reviendras-tu » et « Ne me quitte pas », et deux conceptions opposées de la « reprise ».
Plusieurs dates postérieures en Suisse.
Le site des Monsieur Monsieur, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
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