Spa 2019. Hubert Lenoir, le petit Prince de la chanson
Francofolies de Spa, 19 et 20 juillet 2019.
Voici incontesta-blement la découverte de cette édition 2019. Hubert Lenoir, québecois, même pas encore 25 ans, haut comme trois pommes, l’énergie d’un verger tout entier. Un album à son actif, Darlène, paru en 2018 dans sa patrie d’origine et qui lui a valu d’être bardé de récompenses. Une affaire à suivre assurément.
Par un concours de circonstances, nous avons eu l’occasion de l’apprécier à deux reprises. Vendredi sur la grande scène, où il a remplacé au pied levé le groupe Thérapie Taxi, dont la venue a dû être annulée pour cause de décès d’un des proches du groupe. Et samedi sur une plus petite scène, où il était programmé de longue date. Deux concerts sensiblement identiques, forcément. Avec la particularité que le second a eu lieu devant une audience plus avertie (une bonne partie du public était déjà là la veille et était revenue l’applaudir) et dans un cadre plus intimiste qui seyait mieux à ses chansons.
A la tête d’un band de 6 musiciens (dont un saxophoniste, denrée rare dans les formules musicales actuelles), il fait son apparition le visage maquillé. Vendredi, fond de teint blanc et yeux cernés de khôl (comme un Guidoni jadis) lui font un masque inquiétant. Samedi, son visage bleu évoque moins les Schtroumpfs de son pays d’accueil que les guerriers de Braveheart. « Un artiste qui sort de l’ordinaire » se dit-on spontanément. Confirmation va nous en être donnée.
L’écoute de l’album laisse augurer un concert de pop-rock. Le propos scénique est toutefois autrement plus aventureux. Le ton s’est d’abord considérablement durci, le rock l’emportant nettement sur la pop. Il se mâtine en outre de free-jazz tendance bruitiste, longue improvisation comprise. La prestation de l’artiste est à l’image de cette liberté musicale. Avec un côté « gamin de merde » parfaitement assumé, il parcourt la scène de long en large, lançant des regards noirs au public – quand ce ne sont pas des bouteilles d’eau ou des verres de bière – , grimpe sur les tours d’éclairages, jette rageusement son micro sur le sol, harangue l’assemblée avec agressivité… On lui pardonne toutefois ces écarts (apanage de la jeunesse ?) tant le personnage s’avère charismatique.
De sa voix légèrement nasillarde et capable de belles montées dans les aigus, Hubert Lenoir nous assène d’emblée ce qui semble être son tube outre-Atlantique, Fille de personne II, au refrain imparable (Je suis venu te dire que tu peux changer / J’ai vu un avenir de femmes libérées / Où tu portais le cuir / Et la tête rasée / J’ai vu ton avenir). Ses autres morceaux n’ont peut-être pas cette efficacité immédiate, mais tous sont portés avec une telle ferveur qu’ils en deviennent irrésistibles. Jouant de sa jeunesse, de son ambiguïté sexuelle – ah, le beau patin provocant roulé à son guitariste – , tombant le tee-shirt à la moitié du show, le chanteur attise une tension érotique permanente, alimentée par ses poses suggestives ou par des titres comme Si on s’y mettait, un slow crapuleux signé Jean-Pierre Ferland ou Recommencer, chanson pour 18 ans et plus. On pense à Bowie bien sûr, mais plus encore à Prince, qui s’y entendait comme personne pour faire monter la fièvre. On n’en regrette que davantage la baisse de régime de la fin du show, marquée par une longue improvisation aux accents jazz-rock pas vraiment indispensable. Heureusement, une reprise in extremis du refrain de Fille de personne II vient remettre de l’essence dans le moteur, permettant au public un peu sonné de quitter les lieux circonspect mais heureux.
Hubert Lenoir est très certainement un bel espoir pour la chanson. Bien qu’allant puiser dans le vieux fonds de commerce du glam-rock, il nous propose un concert cohérent au parfum de nouveauté. Il lui reste à gérer ses excès (non, il n’est pas obligé d’être agressif avec les gens venus l’applaudir !), dont la spontanéité est d’ailleurs très relative : d’un concert à l’autre, il a répété les mêmes gestes aux mêmes moments ! On se réjouit déjà de suivre son évolution.
Le site d’Hubert Lenoir, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
Le site de Feu ! Chatterton c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
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