Off Avignon 2019. Banco Bécaud, chansons aux enchères
15 juillet 2019, l’Atypik Théâtre,
C’est le Bécaud survolté, passionné et actuel que PetiDéj s’attache à faire revivre dans cette vente aux enchères, slamée puis chantée à deux, dont les lots seront des chansons de Bécaud.. Le rôle du québecois Paul Cormier est tenu par Odile Husson, Madame Pointu en l’occurrence, charmante pianiste en robe à pois et mitaines de dentelle.
Michel Ycardent est saltimbanque de tréteaux, chapeau melon cachant non l’habituelle calvitie mais des cheveux abondants, veste de velours bleu, t-shirt rouge, faconde et sourire tout provençaux.
Fil habile pour s’acheter du rêve pour pas cher à la vente aux enchères, la grande aventure, ou un voyage (au pays de la sensualité). Un solo de piano classique se mue en jazz pour enchaîner un extrait de la si méconnue L’homme et la musique , (D): « Moi, je suis l’homme / Et toi, tu es la musique / Et je t’aime éperdument / Je t’aime depuis tout le temps. », Monsieur Winter go home (V) s’enchaîne élégamment avec Les cerisiers sont blancs (V) et Quand tu danses (D), dans un déchaînement d’hormones « J’ai le sang qui bout », piano qui swingue dans une urgence tourbillonnante, tambourin à clochettes.
Toute l’actualité de Bécaud surgit avec ce gitan (V) « Il habite autour de la terre, et c’est pour ça qu’il rit tout le temps », étranger bouc émissaire de nos démocraties malades, sur la guitare battante (une superbe guitare jazz de luthier, ouïes de violon et loupe d’orme) et le mélodica mélancolique joué par Odile. Prêts à taper des mains au coin du feu sur le chant hondo de Michel.
Etranger toujours soupçonné a priori… Odile joue le rôle de la vox populi qui n’est pas dei mais préjugé, Michel joue les accusés avec une grande crédibilité « Vous vous trompez / Je cherchais dans la montagne / L’oiseau bleu », et le duo se multiplie sur la musique jazz pour une poignante interprétation : « Tu as volé as volé as volé l’orange du marchand / Tu la vois elle est là / La corde qui te pendra » (D)
Les notes lancinantes du piano accompagnent la voix parlée chantée de Michel qui pleure doucement et s’encolère contre le sort, L’absent (Am)(l’absence de l’ami), formidablement émouvante. Saluons l’éclairagiste et le noir saisissant qui nous enveloppe soudain.
Le soleil reviendra sur Me que me que, (Az) histoire colorée qui finit bien (sur un « Amouuuuur » où Odile nous tient bien la note), chantée en piano-ukulele avec humour et esprit, et reprise par le public.
Le concert , forcément raccourci par la formule Off d’Avignon (de 1h15 à 55minutes), en acquiert une intensité qui nous laisse charmés (« La maison, sous les arbres / Est en pierres de lune / Posées une à une »(D)), émus, haletants (Badabing ben bong : « Les hommes en manteaux de cuir / Aux visages de plomb / Ils ne lisent pas les livres / Ils badabing, beng, bong » (V), interloqués, amusés même quand la situation est grave (Badabing se termine par un riff sur « I can’t get no satisfaction »!).
L’habile mélange de ces chansons moins connues qui résonnent avec l’actualité, et d’autres devenues des standards, les talents de conteur du duo, leur humour qui s’oppose très gentiment, créent un rythme qui ne laisse jamais place à l’ennui. Et maintenant (D), dépouillé de son boléro et de ses violons, redonne au piano et à la voix qui murmure à la fin «Je n’ai vraiment / Plus rien » toute sa puissance d’émotion.
Quand il est mort le poète(Am) (Jean Cocteau, proche de Bécaud et de Piaf) arrive en toute fin, annoncé dès le début ( Son étoile enterrée dans un grand champ où désormais le vent fait danser des bleuets…). Chanté en duo avec de belles variations, délicate notes de piano qui tournent et valsent, il rejoint la légèreté de l’âme éternelle des poètes.
Dernier cadeau avant que les notes de l’horloge d’Avignon ne chassent le spectacle, un extrait des marchés de Provence. Quand il est mort le poète est bissé (et repris par le public) en l’honneur de Nilda Fernandez, je dois dire que je n’ai pu chanter que les derniers mots, le cœur trop serré d’émotion. Un coup de cœur, une belle surprise (je ne connaissais pas du tout ce duo), à voir absolument. Il sont capables de vous faire aimer Bécaud même si vous l’ignoriez superbement.
(Am)texte de Louis Amade
(Az) texte de Charles Aznavour
(D) texte de Pierre Delanoë
(V) texte de Maurice Vidalin (auteur aussi de L’indien)
Banco Bécaud, PetiDéj en duet, à 11h05, 95 Rue de la Bonneterie, jusqu’au 28 juillet, relâche le 23.
Également en 2021 à 13h jusqu’au 31 juillet avec des nouveautés.
Le site de PetiDéj c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
Le spectacle existe également en quartet, plus concert que chanson théâtralisée.
Commentaires récents