Pourchères 2019. Mehdi Krüger, un slameur en Chansonnade
C’est du slam qui s’insinue dans la chanson, comme un chien dans un jeu de quilles, comme un Krüger à Pourchères. On aurait pu croire la Chansonnade bien sage, d’une chanson certes superbe mais d’un académisme chansonnier très classique, trop… belles mélodies belles paroles. De là à faire place à un slameur (1), de là à ce que ces festivaliers du haut de la montagne fassent ovation à une poésie nettement plus urbaine, on pouvait nourrir quelques doutes, craindre autant la réaction du public que les menaces d’un ciel déjà tourmenté.
On vous l’a déjà dit, décrit à maintes occasions : Mehdi Krüger est un géant du verbe et de la scène. Il n’est que grâce et mouvements. Il se tairait que déjà ses gestes parleraient abondamment. Mais il parle et c’est calme et tempête. De temps à autres, on dirait qu’aussi il chante, les festivaliers le diront, le jureront.
Tout de suite, rectifions, c’est certes Krüger en gros caractères sur l’affiche. Mais c’est aussi Ostax aux guitares, parfois aux voix. C’est d’ailleurs lui qui ouvre les festivités ; Krüger le rejoint à pas de loup, comme s’il pistait les notes : « Je suis un art abstrait (on comprend « arabe… »), une race, un homme à moi tout seul… » Tous deux sont vêtus de noir, la scène est noire, les instruments et retours sont noirs, le vent s’engouffre dans les tentures blanches, ça fait code graphique, BD stylée, pas forcément du Pratt mais pas bien loin. Rien que voir la complicité de ces deux-là participe au spectacle, à notre plaisir. Un duo fameux qui bientôt va céder la place à un trio, batterie incluse (les répétitions pour peaufiner cette nouvelle formule viennent de se tenir toute une semaine : on en dit déjà le plus grand bien).
Krüger se définit comme « artiviste » et ça lui va bien, comme un gant, tantôt de boxe, tantôt de velours. C’est que ses mots percutent, cognent avec grande précision. La scène lui est ring, d’autres parleront d’arène. Pas un mot inutile, pas un. Pas de verbiage, c’est mécanique de précision. Le propos est mouvement, intérieur, extérieur. Les mots cherchent leur dedans, expriment leur intime. « Moi je rêve d’être un Icare en « Classe Affaire » / Un numéro de Visa qui s’en tamponne / Naufragé volontaire, je préfère me taire sous cette grande gueule d’atmosphère / Vers laquelle se tournent les paraboles et les prières / À croire que le ciel unit / Ce que la terre sépare… »
Le propos est philosophique, politique, humain. Et amoureux, écoutez-le quand il évoque son fils, comme c’est beau. Ecoutez aussi comme son slam chante, porté certes par les cordes d’Ostax mais aussi par sa musique intérieure, par le frottement des mots au sortir de sa voix.
Comment vous dire le succès de Mehdi Krüger devant cette assistance-là, là où justement ce n’était pas acquis d’avance. Surtout après avoir terminé sur cet impressionnant titre qui nous parle d’un attentat, peu importe lequel, Une seconde avant l’impact, qu’il serait vain ici de commenter (en vidéo ci-dessous).
Le site de Mehdi Krüger, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
« Une seconde avant l’impact » , FR3 2017
(1) puis à Jérémie Bossone, concert sur lequel Anne Lefebvre reviendra bientôt.
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