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Festival Chansons sous les étoiles : poète virgilien et interprète barbaresque

Michel Melchionne Chansons sous les étoiles ©Gycéel

Michel Melchionne Chansons sous les étoiles ©Gycéel

5 juillet 2019, Bouc Bel Air, Esplanade du Château,

 

Imaginez un château du Xeme siècle, niché sous son rocher au sommet d’un village perché comme il en est de si beaux en Provence, qui abrite le plus souvent des expositions d’Art, des conférences, des concerts et des pièces de théâtre de proximité.
Il sert de fond à la salle en plein air, sous les étoiles de ce nouveau petit festival qui ne demande qu’à grandir. Entouré d’une esplanade arborée et herbeuse, il domine, appuyé sur ces murs à l’extraordinaire construction pyramidale, un paysage de rêve : à l’est le clocher de l’église romane classée, et en second plan la forêt de pins de Bouc Bel Air, au loin la montagne Sainte-Victoire. La scène dressée au pied d’un vieux pin multicentenaire dont le cœur dénudé dessine des graphies qui s’illumineront de couleurs à la tombée de la nuit…Au sud le Massif de l’Etoile qui cache Marseille, sa ligne de crête dessinant une grosse dent, le Pilon du Roi.
Les sièges sont dressés sous le grand pin parasol qui défie le ciel, et les cigales chantent parfois même la nuit pour peu qu’il y ait de la lumière !

Depuis des années Henri Bonifay, boucain bien connu de ses concitoyens, ancien biochimiste, passionné de musique sous toutes ses formes et particulièrement de chanson et de jazz, lui-même guitariste membre du « Groupe Générations », toujours présent chaque fois qu’il s’agissait d’animer une manifestation musicale – comme la fête de la musique sur la place principale de la ville – rêvait de créer un Festival Chanson et jazz à Bouc-Bel-Air.
Ayant obtenu l’appui de la commune et du département, il vient de créer avec son épouse Josette tout aussi passionnée que lui, l’association « JH Font Saulière Evénements » afin de mener à bien son projet.
Dire qu’il ne « balisait » pas du tout , comme on dit dans le midi, et qu’il était tout à fait décontracté serait trahir la vérité. Pourtant son sourire qui est une seconde nature et son enthousiasme communicatif ont fait merveille.

affiche webEt c’est de sa belle écriture que Louis Chedid lui-même a dédicacé amicalement l’affiche de ce festival, reprenant les paroles de sa chanson où il évoquait ses souvenirs d’enfance et de vacances en ce lieu auquel on tient tellement :
« Bouc-Bel-Air, Bouc-Bel-Air
Souvenirs d’enfance au paradis
Bonheur, insouciance et fantaisie
La belle vie!
Bouc-Bel-Air, Bouc-Bel-Air
Où que je sois, où que j’aille
Grigri, talisman, bonne étoile
Partout tu m’accompagnes
Grigri, talisman, bonne étoile
Partout tu m’accompagnes »

C’est sur ces notes de musique qu’a débuté la soirée, présentée par Christian Duneau qui avec un passé de professeur de mathématiques trouve le moyen de régaler ses concitoyens de théâtre, de poésie et de nouvelles avec un grand talent de comédien. Il jouera donc le Monsieur Loyal en s’aidant des magnifiques poèmes d’Andrée Chedid, mère de Louis (vous suivez toujours?).

Le premier artiste est un auteur compositeur mélodiste interprète et guitariste, Michel Melchionne, bien connu des marseillais dont il est, mais aussi des parisiens, puisqu’il fut un temps où il hantait les cabarets de Montmartre, du Lapin Agile (déformation d’à Gill) à Chez ma Cousine, de La butte en vigne à La grange au bouc, encouragé par Bernard Dimey ou Annie Cordy.

Cinquante ans de carrière, 1000 concerts et sans doute autant de chansons, il a gardé une ligne de jeune homme et une voix qui porte, avec ce bel accent provençal léger qui fait sonner et sourire les syllabes.
De même nature que ces phares de la chanson que sont Brassens, Ferré ou Ferrat, il partage aussi avec eux l’amour de la poésie qu’il a souvent mise en musique, de Victor Hugo et Rimbaud aux plus contemporains, René Char, Eluard ou Aragon. D’Hugo il chantera Demain dès l’aube, de Rimbaud citera « Par les beaux soirs d’été / J’irai dans les sentiers » pour refaire La magique étude du bonheur.
Melchionne poing levéA Ferrat et sa môme on pense avec cette chanson rapportée de Paris
« Elle travaillait pour rien au Faubourg Saint-Martin / Moi je vendais des frites… ». Un voyage dans les quartiers de Paris, au son d’« un festin de musique », mais aussi une revendication sociale.
C
‘est à Leny Escudero avec cette sincérité, cette calme colère, ces intonations vibrantes, dents presque serrées qu’il m’a fait penser plus d’une fois. Confirmé avec Tsigane qui lui permet de développer toute sa virtuosité de guitariste.

Sa première chanson sera dédiée à son père, un enfant de Marseille, ville dont nous aurons plaisir à entendre plus tard évoquer chacun des quartiers. Les souvenirs d’enfance, pour la petite école qui est maintenant fermée, « Mon bout de crayon c’est ma lyre », ou cet hymne à la vie « le colorieur d’images, marié à la vie ».
Autre sujet de prédilection, l’art, plus particulièrement la peinture, comme cette si forte chanson dédiée à Cézanne, la source pure.
Et puis toujours la nature, le voyage, avec cet hymne aux pieds qui nous font découvrir le monde, tel Félix Leclerc qu’il cite au milieu de cette chanson hommage au facteur Cheval, auquel il a un jour consacré un spectacle de dix titres.

Il faut reconnaître cet artiste aux accents folks, dans la grande tradition des poètes méditerranéens, je dirais virgiliens, entre amour de la nature et tradition épique du voyage, ses engagements au service de la vie, sa morale simple et forte : « Attrape bien la vie qui passe / Un petit bout de liberté / La justice et pas la charité ».

La seconde artiste est la soprano Delphine Mailland, accompagnée du pianiste Julien Sabdès, qui toute corse qu’elle soit, a été fortement inspirée par Barbara. Autrice aussi d’un album assez noir consacré aux Notes bleues  de la nuit, et d’un autre sur le Burnout professionnel, avec une voix suffisamment souple pour chanter le lyrique, le jazz ou la chanson, ce soir c’est une voix, celle de Barbara qui nous revient en pleine face. Une voix qui fut même récompensée au The Voice italien.
Si ses intonations font parfois presque trop penser à Barbara, son abattage et la force ronde de cette voix sont séduisantes, et elle prend le parti de démontrer que Barbara n’était pas seulement une femme sophistiquée et tragique, mais aussi une amoureuse de la vie.
A côté des chansons les plus connues de Barbara que réclame le grand public,
Ne me quitte pas, Dis, quand reviendras-tu, Nantes, Gottingen, L’aigle noir… elle a choisi d’interpréter aussi celles qu’elle chantait à ses débuts, La femme d’Hector et la si poignante Marche nuptiale de Brassens, ou Les flamandes de Brel, redonnant ainsi ses titres de noblesse à la fonction d’interprète quelque peu négligée de nos jours.

Delphine maillandEt puis des chansons moins rabâchées, replaçant La petite cantate dans son cadre, l’hommage à la pianiste de Barbara, Liliane Bénelli, fiancée à Serge Lama, tragiquement décédée à Aix-en-Provence dans l’accident qui laissa Lama boiteux à vie. D’émouvantes chansons d’amour, Toi « Avant toi, d’autres sont venus / Que je n’ai jamais reconnus / Pour toi, je ne suis pas la même / Toi, ce n’est pas pareil, je t’aime / Je t’aime  (…) Avec ta gueule de Jésus / Tu es venu, oh bien venu » . Du bout des lèvres, ou L’homme en habit rouge. Aussi la poignante Drouot, où elle joint à ses talents vocaux ceux d’une comédienne expressive.

L’île aux Mimosas, que Barbara chanta avec Depardieu. Enfin ce Piano noir écrit par Daniel Thibon et composé par Robert Charlebois, qui semble plus barbaresque – excusez mes barbarismes – que si Barbara elle-même l’avait écrite. Troublant. « Quand je serai morte / Enterrez-moi / Dans un piano noir comme un corbeau / Do, ré, mi fa, sol, la, si, do / Quand je serai morte / Ecrivez dessus, comme il faut / Elle faisait bien son numéro / Do, ré, mi fa, sol, la, si, do. ». Qu’elle prend le parti d’enchaîner avec Ma plus belle histoire d’amour.

A suivre la soirée du  6 juillet.

Le profil facebook de Michel Melchionne, c’est ici ; le site de Delphine Mailland c’est là

Michel Melchionne, Marié à la vie
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Michel Melchionne, La source pure (Cézanne)
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Delphine Mailland, Drouot
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