Daguerre, « comme un éclair qui laisse croire »
Septième album de Daguerre et, serait-ce désormais coutume, à nouveau un somptueux livre-disque, toujours chez Lamao éditions, éditeur tout jeune qui s’est déjà fait un sacré nom, une jolie réputation.
Un disque, oui, mais qui s’écoute comme un livre, tant qu’il est fait de chapitres, eux-mêmes divisés en chansons. Et dont la musique (qu’on doit à Michel Françoise, par ailleurs réalisateur de l’album) se lit pareillement.
L’objet livre + disque modifie notre approche. Ce n’est plus simplement une galette laser avec un livret plus ou moins élaboré, c’est un livre. Couverture cartonnée comme serait une BD, titre en vernis sélectif, feuilles d’un respectable grammage et belle mise en page : excellente impression ! On caresse l’objet, tourne les pages, le regard se pose sur les lavis bleus, déchiffre la typo des vers, tout en écoutant l’artiste chanter, narrer, propos sertis d’un flot maîtrisé de pop-rock d’où suintent des vastes étendues qui suggèrent le road-movie : la fuite, le départ, franchir le Rubicon, ne jamais revenir, ne jamais croiser sa vie d’avant.
Rien que le titre, 107218 Km/h, proposait une lecture, que complète l’explication : « La terre se déplace sur une orbite autour du soleil à la vitesse de 107218 km/h sans jamais dévier de sa trajectoire mais sans jamais repasser par le même point ». Il part, ils partent, nous partons.
« Ce que le vent, les flammes et la pluie / Ont laissé de nos illusions perdues / La peine et ses fantômes sont portés disparus ». Incendie, avalanche, orage, rien n’épargne ces deux-là, qui ne feront bientôt plus que deux fois un, quand l’histoire se brouille… Chaque mot, chaque note, chaque trait de pinceau ont ici leur importance qui tous participent à la narration, à cette dramaturgie qu’on ne saurait divulgacher.
« Le long décor, profond miroir / Comme un éclair qui laisse croire / Qu’on peut atteindre d’un coup d’ailes / La dernière case de la marelle ».
Il y a dans le timbre et la diction (impeccable) de Daguerre un peu de Christian Olivier et de Magyd Cherfi, et un art qui souvent peut faire songer à Bashung. La voix est par lui la plus belle des typographies. Elle est aussi singulier appel au voyage, de celui qui trace sa route en se cognant à la vie, à ses pleins et ses déliés, ses virages, ses revirements.
Je ne sais quand l’objet CD sombrera, quand le matériel pour le lire aura tout à fait disparu des étals. Mais je sais qu’un tel objet restera, appelant toujours des mains à l’ouvrir, le re-découvrir, le feuilleter avec respect, avec attention. Par précaution, l’éditeur a prévu un lien de téléchargement pour que le son se survive à lui-même.
Une telle production frôle la perfection (oh, cette kora sur En pointillés…!). La chanson gagne à cet hymen de papier, ce renfort d’images (qu’on doit à Sarane Mathis, déjà co-architecte du précédent livre-disque de Daguerre, La vie traversée). Elle nous impose d’aller plus loin encore dans l’œuvre, d’en fouiller les recoins
Daguerre, 107 218 Km/h, Lamao éditions 2019. Le site de Daguerre, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est lui. Concerts le 21 juin 2019 à Bergerac (librairie Montaigne), le 22 juin à Creysse (médiathèque), le 17 août au Beau c’est Festival à Bosset.
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