Ivan Tirtiaux, comme un parfum d’éternité
En musique, le nom « Oasis » évoque avant tout un groupe de pop-rock anglais, aussi célèbre pour ses chansons que pour ses bisbrouilles intestines. Pour les amateurs de grandes mélodies, on peut y ajouter la pub enjouée pour un jus de fruit, remarquablement interprétée par feu Carlos. Peut-être le moment est-il venu d’élargir notre cercle de références. L’Oasis, c’est en effet le nom du nouvel album d’Ivan Tirtiaux, cinq ans après son premier et prometteur Envol. Comme cet opus a tout pour devenir un classique intemporel, rien n’interdit de rêver et de croire à sa future notoriété. Chiche ?
L’Oasis est un album court. Huit chansons le composent, dont deux reprises : l’indémodable Pauvre Martin de Georges Brassens et le plus rare Grand Lustucru, signé Kurt Weil et Jacques Deval. Donc, seulement six nouvelles chansons signées, paroles et musique, par Ivan Tirtiaux. L’homme prend son temps, en véritable artisan qu’il est. Le temps de peaufiner son œuvre, de ciseler les arrangements, de rassembler les fonds aussi – comme pour nombre de ses confrères, le disque est autoproduit et financé en partie par crowdfunding -, de l’enregistrer à son rythme … Le résultat brillant a certes peu de chance d’encombrer les playlists des radios commerciales, mais il préserve son originalité et son indépendance. Ivan Tirtiaux creuse son sillon sans se soucier de l’air éphémère du temps.
Caillou ouvre le disque. Long morceau de plus de cinq minutes, doté d’un texte si peu disert qu’il en est quasi instrumental, il dessine d’emblée le décor sonore. Du folk aux accents bluesy, où les guitares prédominent, mises en valeur par des percussions subtiles et un synthé discret. Le chanteur à la diction parfaite y pose sa voix légèrement traînante, éraillée juste ce qu’il faut, sans effets de manche ni fioritures inutiles. Le tout au service de l’histoire simplement poétique d’un amoureux transi, prêt à se changer en pierre pour demeurer auprès de sa belle indifférente. Peut-on rêver plus belle entrée en matière ?
C’est la chanson-titre qui lui succède. Une tendre esquisse de son grand-père, jardinier émérite cultivateur de rosiers. Un artiste à sa manière : Le cœur, la main toujours à l’ouvrage / Entre les greffes, les coups de râteau / Une taille puis l’ultime arrosage / Comme un peintre trempe ses pinceaux. Un hommage à la beauté fragile du monde et à ceux qui nous la transmettent.
Citons encore La plage, dont l’ouverture laisse imaginer un joyeux départ en vacances. Mais la mer à traverser n’est guère amicale et la villégiature sera de courte durée : Alignés sur le sable tranquille / Tous n’ont pas la même chance. Pudeur et émotion s’allient pour chanter le sort des migrants…
Les trois derniers morceaux ne déméritent pas : Dans la poitrine est un cri de libération (Montre-toi la bête / On se connaît depuis longtemps), La ruade une parabole sur la tyrannie et la révolte qui gronde, tandis que Réveil ferme la marche sur ces mots d’espoir : Je suis vivant !
L’oasis est un bel ensemble de chansons poétiques. Pas de celles qui donnent envie de claquer des doigts ou de taper du pied. Plutôt de celles qu’on écoute dans la quiétude, disposé à se laisser emporter par un flot tranquille et majestueux. Le dictionnaire définit l’oasis comme une « zone de végétation isolée dans un désert, créée et entretenue par l’homme ». On ne pourrait donner meilleure description de l’album d’Ivan Tirtiaux.
Ivan Tirtiaux, L’oasis, Le Furieux, 2019. Le site d’Ivan Tirtiaux, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Ivan Tirtiaux se produit en quintet à Paris, au Studio de l’Ermitage, en co-plateau avec Wladimir Anselme, ce mercredi 5 juin 2019. Encore meilleur qu’en trio, assurément. Parisiens, vous êtes vernis.
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