Jaurès à Vaison
2 mai 2019, Festival Georges-Brassens, Vaison-la-Romaine,
Le Village-Vacances de Vaison-la-Romaine est un lieu privilégié : le site est plein de charme, la restauration fameuse et le gite irréprochable. La population qui niche là pendant le Festival Georges-Brassens, jeunesse à cheveux blancs ou plus foncés, chante et rit avec insouciance. Cela ne l’empêche pas de mesurer les efforts du passé pour jouir de cette paix. Cela ne l’empêche pas de savoir que pas très loin, d’autres n’ont pas cette chance. De plus la chanson peut témoigner de quelques pages d’Histoire qu’on ne doit pas oublier.
Il était une fois Jaurès est un superbe spectacle chanté qui ne peut laisser quiconque indifférent.
Ils sont trois mais ils sont tout un peuple. Un peuple qu’ils portent depuis la Commune jusqu’à nos jours, un peuple bafoué, floué, spolié mais toujours debout. Un peuple avec ses souffrances, ses colères, ses écarts, ses errances et ses erreurs aussi. Celui que la bourgeoisie méprise et que le pouvoir réprime, du drapeau rouge aux gilets jaunes. Celui que ses représentants trahissent, de décennies en décennies, de républiques en républiques. Ce peuple que Jean Jaurès avait compris et dont il s’était fait le porte parole.
Ils sont trois mais ils occupent la scène, comme une foule à la Bastille. Ils portent Jaurès depuis son enfance jusqu’à celle qu’on nomme la grande guerre, comme si une guerre pouvait être grande.
Sur les images historiques et des dessins de Tardi, l’histoire de Jaurès défile, résumée par Cathy Fernandez et illustrée par les chansons d’époque et au-delà, du Temps des Cerises au Déserteur en passant par la Chanson de Craonne. Formidable interprète, d’une présence lumineuse, à la voix remarquable, Cathy chante Clément, Pottier, Ferrat, Duteil, Ferré ou Vian avec un égal talent. Qui d’autre, depuis son créateur pouvait encore donner le frisson avec Quand on n’a que l’amour ? Michel Vivoux passe du drame au rire avec aisance, jouant de la voix gravement, de la guitare élégamment et des mimiques que sa moustache tempère. Claude Delrieux tire de son accordéon des rires et des lamentations qu’on n’imaginait pas. « Quelle vie ont eu nos grands-parents ? » s’interroge Brel. Dure, très dure, mais nos trois comparses ont su y dénicher quelques moments drôles, facétieux, où le Frou-frou défend la féminité. Quelques moments d’espoir insensés avant qu’on assassine Jaurès.
Ce fut une tranche d’Histoire monumentale, de sueur, de sang et de larmes humaines, tel qu’on n’en parle pas toujours dans les livres, mais que la chanson traduit de façon tellement vivante lorsqu’elle est servie par des artistes de si grand talent comme jamais la télé ne saura vous en montrer. L’émotion véritable ne passe pas par les écrans, elle est dans la proximité que seuls des festivals, comme celui de Vaison-la-Romaine, peuvent nous offrir.
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