La boite de Pandore
30 mars 2019, festival Les Chants de mars, salle Léo-Ferré, Lyon,
« Je suis poème, je suis morose / Je suis l’élan qui s’interpose / Dans le fond des bouteilles vidées… » En temps normal, Pandore (son vrai blaze, c’est Guillaume Payet) se produit avec une violoncelliste et on dit cette formule de toute beauté : suffit d’écouter son album, Enfant du vide, pour s’en convaincre. Là, c’est la formule minimaliste, étriquée, d’un lever de rideau festivalier, symbolique et prestigieux. Suffisamment pour bien se rendre compte de qui est Pandore, et prendre rendez-vous pour plus tard, pour bientôt, tant son chant est puissant, prenant, chaud et inquiétant à la fois. Inquiétant car sombre, parfois désespéré. Qui vous entraîne, vous aspire dans les méandres de ses vers, d’une chanson qui parfois cousine avec le slam, tourbillonnante.
Dès le premier titre, Road Tripe, c’est cassant, la main nerveuse sur les cordes de la guitare : « Pauvre à crier Tu m’auras pas ! mon vieux Léo, mon pauvre toi / Tu sais parfois nous on te voit, anarchisé dans tes combats / Sur les collines d’un espoir mort, l’amour n’est pas : il dort encore ». Le décor est créé, au diapason d’une chanson étonnante, pleinement maîtrisée. Dans la boite de Pandore, il y a l’ivresse, la tristesse, la solitude, le vice, l’injustice, l’anorexie du siècle et des idées, la décadence sur les radios et écrans du paraître…. Il y a aussi la folle idée de liberté, des rêveries, de l’insouciance. Et l’amour. Pandore est un cri langoureux.
Il ne vient pas de rien et connaît ses classiques, tant qu’il sème parfois des références, des traces d’ADN dans ses chansons. Ferré est du lot. Plus encore, il se permet La mémoire et la mer, de Léo. Une version à peine reconnaissable, qui plus est amputée, qui nous permet cependant d’explorer de possibles autres pistes, des chemins de traverses, maritimes sans doute.
Une chanson retient plus encore notre attention, titre pas encore enregistré, qu’il interprète ce soir pour la seconde fois, la première étant il y a peu, en première partie de Melissmell. « Paraît que Paris est en feu / Paraît que la colère est jaune / Paraît que le peuple est un peu à cran / Paraît qu’on veut brûler les trônes / Moi j’ai jamais pu me saquer les oligarques / Et s’ils veulent cramer l’Élysée / Qu’ils le crament ». Présupposant qu’il a devant lui un public « de gauche », il l’ose à nouveau, interpellant ainsi ses confrères de chanson à l’inspiration quelque peu tarie, au verbe présentement silencieux : « Vous intellectuels, artistes, vous bohémiens /Vous qui avez les mots du peuple entre les mains / Qui de tous temps aviez concerté vos pensées / Pour que la misère des gens soit écoutée / Est-ce qu’il serait pas temps d’allumer la lumière » L’après-midi même des manifestants en jaune se sont fait gazer, rosser, place Bellecour (par des pandores, dirait Brassens, qui ne partagent vraiment que le nom avec lui). Et on sait l’assourdissant silence des artistes, à quelques exceptions près, quant aux gilets couleur jonquille, ceux dont on poche l’œil trop souvent.
Pandore est une tête bien pleine qui sait ce qu’il chante. Et pourquoi il chante. Encore un lyonnais, encore un artiste doué qui pourrait se frayer un chemin vers une plus grande audience. On a pu lire quelque part que « si Baudelaire faisait du rock et Nietzsche de la chanson française, alors – peut-être – à leur rencontre, aurait pu naître Pandore ». C’est joliment dit, astucieux et pas faux. La voix onctueuse et plaintive de Pandore creuse le sensible pour tenter la vérité, instiller la révolte. Même si ça a l’apparence de la fragilité, qui contraste tant avec le physique, grand, solide, du chanteur. Tout est troublant en lui, tout est étrangement fascinant. On ne peut que confirmer les espoirs portés en lui. Allez, sur son nom, à votre tour, vous faire enchanter. La boite de Pandore est corne d’abondance.
Le facebook de Pandore, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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