En gris, en rouge : les Ogres de Barback aux couleurs du temps
Sauvé dans Lancer de disque
Tags: Les Ogres de Barback, Nouvelles
On ne change pas un quatuor (les deux frères et les deux sœurs Burguière) qui gagne, qui excelle même. Et qui joue tout, se joue de tout. A eux quatre pas moins de vingt instruments, largement de quoi vivre en autosuffisance. Sauf qu’ils aiment partager avec autrui. Outre quelques autres musiciens (et le Macedonian Symphonic Orchestra), ils sont là avec à leurs côtés tant Zoé que Magyd Cherfi et Lior Shoov. Pour un disque encore gourmand qui parfois cause en yoruba et en goun, parfois sample des sons captés dans des rues de Rangoon, fut pour partie maquetté au Bénin, enregistré à Lyon, un peu mixé à Toulouse… Des nomades ! Etonnez-vous après que les musiques des Ogres voyagent dans nos têtes…
Voici nos Ogres forts d’un actif de vingt-cinq ans d’existence. Eux qui nous avaient habitué à un rythme soutenu d’albums (un par an) ont fait singulièrement relâche, puisque le précédent album studio remonte à il y a cinq ans, une éternité en parler Ogres. On sait que cette demi-décennie fut pourtant active (la tournée et le disque avec le Bal Brotto, le travail avec Pierre Perret…). Pendant ce temps la matière s’accumulait, largement de quoi faire un nouvel album, qui se partage entre deux humeurs, que synthétise cette tête de mort joyeuse, porteuse d’un petit cœur, sur le visuel du disque : des chansons de révolte (qui ne sait qu’être rouge) et d’autres d’amour (à tonalité grise toute de même). L’amour chez nos Ogres, c’est assez inédit en fait, et c’est plutôt réussi. Sélection : « La plus belle chanson d’amour / C’est celle que j’écrirai pour toi / Quand tu m’auras quitté pour les loups aux abois / Qui murmurent à l’orée du bois… » (une chanson dédiée à Barbara Weldens), « Oui il y a ta bouche / Contre ma bouche / Il y a tes yeux perdus sur l’horizon » (un très désirable duo entre Lior Show et Magyd Cherfi), « Tous les matins, à défaut de bonheur / Je t’apporte des fleurs ».
Amours grises, disent-ils. Et, donc, colère rouge. Il suffit d’un peu scruter notre monde pour s’en alimenter, pour versifier. Là, ça commence grave, écho persistant des attentats qui hélas rythment l’actualité : « Ils repousseront toutes les limites / Allant toujours plus loin dans l’innommable / Ils referont sauter la dynamite / Dans les cartables / Ils rempliront mon cœur de peine / Mais ils n’auront pas ma haine ». C’est entre colère raisonnée et espoir (dé)raisonnable, celui de dans deux mille ans où toutes les tares de ce monde (dieux, argent, guerres…) auront disparus.
Tout est Barback, délicieusement Ogres, ici. Nous les retrouvons comme nous les connaissons : chansons bavardes et intelligentes, mélodies et sonorités attrayantes servies par pléthore d’instruments. Grave et joyeux selon la plage, selon l’humeur, selon l’humour, selon l’amour. Du bon Ogre dont chaque chanson ou presque peut faire débat, peut l’engager. Car, plus que la chansonnette, ceux-là sont quatuor de parole et leurs chansons un projet de société, de convivialité, de vivre (et chanter) ensemble. Ça fait un quart de siècle qu’on les aime pour ça.
Les Ogres de Barback, Amours grises & Colères rouges, Irfan (le label) 2019. Le site des Ogres de Barback, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.
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