Robert Charlebois, inchangé depuis 50 ans

(photo d’archives)

Liège, Le Forum, 29 mars 2019,

Le noir se fait dans la salle. Sur scène, d’un clavier s’envole une mélodie célèbre, alors qu’apparaît l’artiste dans un halo de lumière. La magie des mots opère, immédiate, victorieuse d’emblée par K.O. debout. Cré-moé, cré-moé pas / Quéqu’ part en Alaska / Y a un phoque qui s’ennuie en maudit / Sa blonde est partie / Gagner sa vie / Dans un cirque aux États-Unis. Heu… N’y aurait-il pas maldonne ? N’est-ce pas Robert Charlebois que cette salle bien remplie est venue applaudir ?

Cette première facétie – il y en aura d’autres – donne le ton de la soirée : humour, émotion et tubes seront de la partie. Car, nous explique l’artiste, s’il interprète la chanson de Beau Dommage en guise d’apéritif, c’est pour faire plaisir à tous ces gens persuadés que ce grand classique relève de son répertoire. Ou comment éviter qu’on lui dise après le concert « C’était bien, mais pourquoi vous n’avez pas chanté le phoque ? » !!!

La deuxième chanson de la soirée remet les pendules à l’heure : avec Je reviendrai à Montréal, notre Canadien nous rappelle qu’il est lui-même dépositaire d’un joli lot de chansons éternelles. C’est que cela fait plus d’un demi-siècle qu’il nous enchante – sa tournée s’intitule 50 ans 50 chansons – et si Charlebois n’est plus la machine à succès qu’il a pu être au début de sa prolifique carrière, il en a engrangé bien suffisamment pour nous ravir les oreilles et le cœur durant cette belle soirée nostalgique.

S’accompagnant à la guitare ou au piano, entouré d’un solide quintet de musiciens de là-bas (2 guitaristes, un contrebassiste, un batteur et un claviériste), la chevelure toujours aussi fournie et la voix intacte, même s’il ne monte plus dans les aigus comme jadis, le fringant septuagénaire nous a offert une prestation impeccablement savoureuse, comme si le temps n’avait pas de prise sur lui.

Le concert sera un enchaînement de tubes attendus (Ordinaire interprété en solo piano, Lindberg et son envolée de guitares sur sa nappe de claviers, Les ailes d’un ange et les chœurs du public qui crie « Québec », J’t’aime comme un fou dans une version vitaminée…), de classiques attendus par les fans (Concepcion, Dolorès, Les talons hauts, Le mur du son, Entre deux joints…) et quelques petites dernières issues de son disque fraîchement paru outre-Atlantique (intitulé Et voilà). Variant les ambiances musicales, avec un son country-blues prédominant, panachant le show d’interventions humoristiques (on rit plus avec lui qu’avec Sardou, nous fera-t-il remarquer), menant son concert avec un professionnalisme sans faille mêlé de désinvolture apparente, Robert Charlebois se révèle à la fois comédien et cabot, crooner émérite et emballant rocker.

Le spectacle s’achève sur la chanson éponyme de son nouveau disque. Tombant le masque de clown, s’écartant de la routine que l’on avait pu ressentir dans son Ordinaire un peu mécanique, le chanteur nous a offert un pur moment d’émotion. Forcément inconnue du public, la chanson aura directement touché le cœur de l’assemblée : La terre continue à tourner / Hier j’ai fini ma tournée / J’ai perdu tellement d’amis cette année / Trois cheveux blancs mais j’ai gardé mon nez / La mer continue à monter / Ma bonne étoile est un peu fatiguée / Poussière mouillée sous la Voie lactée / Je mets les voiles sans me retourner.

Robert Charlebois ne nous laissera cependant pas partir sur cette note mélancolique. Un J’veux de l’amour pas trop inspiré fera se lever la salle, qui accueillera avec enthousiasme le dernier morceau, musclé à souhait, pétaradant d’énergie, un Te v’là millésimé 1969 qui n’a pas pris une ride. A l’image de son créateur.

Le site de Robert Charlebois, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.