Karin Clercq, scène de coeur et d’esprit
Seraing, Centre culturel, 15 mars 2019,
Résumons pour ceux qui auraient manqué le début. Karin Clercq est une bruxelloise auteure-compositrice-interprète (entre autres casquettes car elle est aussi comédienne) qui, après quelques années de silence discographique sous son nom, nous est revenue fin 2018 avec un album en tous points réussi. L’objet se nomme La boîte de Pandore et NosEnchanteurs vous en a dit à l’époque tout le bien qu’il en pensait.
Restait à voir (et à entendre) comment l’opus allait passer le cap de la scène. C’est que la chose peut s’avérer ardue, lorsque l’on a affaire, comme c’est le cas ici, à un album au son très travaillé et à la production sophistiquée. Verdict : entourée d’un trio de choc (Emmanuel Delcourt à la guitare et aux claviers, Mathieu Catala à la batterie, Céline Chappuis à la basse et au bidouillage), Karin Clercq nous a offert un juste rendu de son disque, au son plus brut et plus rock, avec juste ce qu’il faut d’interférences électro en guise d’effets dramatiques. Du travail de haut vol, qui rend justice à la beauté des chansons et n’occulte en aucune façon la voix et l’interprétation de la chanteuse. C’est malheureusement trop rare pour qu’on ne se plaise pas à le souligner : les paroles étaient parfaitement compréhensibles, même dans les passages plus rythmés où les musicos envoient le bois.
Le concert débute sobrement. Assistée de sa bassiste aux chœurs et au tambourin, Karin Clercq nous chante a cappella son Presque une femme, portrait interpellant d’une femme au foyer qu’on aimerait croire d’un temps révolu (Presque la moitié d’un homme / Je suis presque une femme). D’emblée l’émotion nous étreint. Le public fait montre d’une écoute attentive, qui ne faiblira pas jusqu’à la fin. C’est que l’artiste sait y faire pour nous connecter à son univers, alternant les morceaux posés et les titres plus remuants, nous mettant dans sa poche par son sourire et son plaisir visible à être là devant nous. Un problème technique empêche le lancement d’une chanson ? Pas de problème, nous aurons droit pour patienter à une version improvisée et a cappella d’une chanson peu connue de Georges Moustaki, Dire qu’il faudra mourir un jour, reprise sur son 2ème album, non sans nous avoir régalés au préalable du récit de sa rencontre manquée avec le Maître. La chanteuse a décidément autant de métier que de talent.
A un titre près, la totalité de son nouveau disque nous a été interprétée. Avec de bien beaux moments, comme ce Partie au piano-voix souligné par une nappe électro, ou le Madame Rêve de Bashung, qui écarte la sensualité moite de la version originale pour une version plus froide et métallique, tout aussi convaincante. Avec un inédit également, une chanson plus légère en apparence sur ces phrases assassines prononcées sans en mesurer les conséquences (« T’as pas un peu grossi ? », « Heureusement qu’il y a ton frère », « Si je dis ça, c’est pour ton bien »…). Le concert ira ainsi crescendo, pour s’achever en apothéose par un Antigone de 8 minutes, au son bien rock, avec ses basses grondantes, ses gimmicks enregistrés et ses réverbs dans la voix. On imagine sans peine l’effet dévastateur d’un tel morceau dans un festival en plein air.
Aux rappels, l’artiste revient nous chanter quelques chansons plus anciennes : Fêlures interprétée en s’accompagnant à la guitare, son tube (c’est relatif…) Nos petites errances, issu de son 1er album, et un ultime morceau, Alcool, qu’elle nous offre verre de vin à la main (quel professionnalisme !). Le public pourra alors regagner ses pénates, sourire aux lèvres et chaleur au cœur.
Karin Clercq sur scène ? C’est comme Karin Clercq sur disque. De la chanson intelligente, bien construite, où fond et forme se répondent sans s’éclipser. Le tout interprété avec sensibilité et savoir-faire, avec une maîtrise qui n’exclut pas les surprises. Une belle artiste, qui a tout pour que les portes du succès s’ouvrent grand devant elle. Reste à le faire savoir. Mesdames et Messieurs les programmateurs, la balle est dans votre camp !
Le site de Karin Clercq, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
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