Yann Fañch Kemener, 1957-2019
D’une famille maternelle réputée de « bons chanteurs », il se produit en scène dès l’âge de 13 ans, alternant alors gwerzioù et airs à danser. A 20 ans, il remporte aux Jeux de Langonnet, dans le Morbihan, le premier prix du Kan ar Bobl. S’en suit un premier album, Chants profonds de Bretagne vol.1. Le troisième volume se verra récompenser du prestigieux prix de l’Académie du Disque Charles-Cros. Fondateur en 1988 du groupe Barzaz, il devient année après année, ce quelque soit alors sa formation d’attache et ses prestigieuses collaborations, l’une des personnalités les plus remarquables de la musique et de la chanson bretonnes.
Malgré ses 30 albums, NosEnchanteurs n’avait pas eu l’occasion ni le talent sans doute de chroniquer une de ses productions ni de le suivre en scène. C’est l’an passé que le cancer le contraint à cesser tous concerts. En guise d’hommage, deux témoignages publiés ce jour dans les colonnes du Quotidien breton Le Télégramme, et d’autres recueillis par France Bleu.
Dan Ar Braz « Je suis allé le voir récemment parce que je tenais à lui dire merci. Pour ce qu’il avait apporté à l’Héritage des Celtes, bien sûr, mais pas seulement. Après les années 70, portées par la vague Stivell, la Bretagne s’était retrouvée complètement occultée par les médias nationaux. C’est grâce au travail de gens comme Yann-Fañch Kemener lors de la décennie suivante, que le renouveau des années 90 a pu avoir lieu. Il a contribué à maintenir la langue et enrichir la culture bretonne, notamment au sein du groupe Barzaz, Pour moi, Yann-Fañch était un passeur de mémoire, doté d’une des plus belles voix de Bretagne. C’était aussi quelqu’un de drôle. J’appréciais son humour, ses coquineries qui me faisaient rire. Je suis heureux d’avoir pu croiser sa route ».
Denez Prigent « Yann Fañch Kemener avait une dizaine d’années de plus que moi. Il a grandi dans un lieu où les traditions étaient encore très vivantes et a pu avoir accès à des représentants de l’ancien monde où les gens chantaient toujours dans les veillées. Il a eu conscience du trésor que constituait leur répertoire et a fait un énorme travail de collectage pour lui donner ses lettres de noblesse, en montrant qu’il s’agissait d’un art majeur, dans des albums d’une grande qualité. George Sand parlait des « diamants du Barzaz Breizh », Yann Fañch Kemener a révélé ceux de ces chants populaires. Il s’est trouvé à une période charnière, et, sans lui, un nombre important d’entre eux aurait disparu. Son action me rappelle celle de La Villemarqué au XIXe siècle. On lui doit beaucoup. Personnellement, les premiers disques que j’ai achetés lorsque j’étais au collège étaient ceux des sœurs Goadec et les siens. Sa voix m’avait interpellé. Son breton est extraordinaire, il a une technique et une diction chantée remarquables, avec son propre style. Yann Fañch Kemener m’a donné le goût du kan ha diskan et de la gwerz. Il a aussi prouvé qu’on pouvait en faire sa profession et consacrer sa vie à cet art-là. Avec d’autres chanteurs, comme Erik Marchand, il m’a ouvert le chemin. Lui qui avait des maîtres de l’ancien monde en est devenu un pour la génération des jeunes chanteurs ».
Dimanche 17 Mars à l’Avel Vor à Plougastel-Daoulas, « I Muvrini » ont chanté un hommage particulièrement émouvant à Yann Fañch Kemener.
Le salut fraternel de la Corse à la Bretagne!