Chante meuf : des chanteuses contre les violences faites aux femmes
« Chante, meuf ! », 8 mars 2019, Studio Raspail à Paris,
C’est aujourd’hui le 8 mars et les meufs ont, parait-il, les droits pour elles, tous les droits. Sur cette scène, pas un mec (on me dit toutefois qu’il y en a un à la régie…). Voilà une poignée de nanas qui, profitant de cette date, aide une association, Libres Terres des Femmes, qui lutte contre les violences faites aux femmes : le spectacle est gratuit mais il est bien inspiré de, sans compter, verser son obole, son tribut à la cause. Vous pouvez d’ailleurs toujours le faire : c’est ici..
Une soirée comme ça devrait faire le plein. Ben, non. Y’a bien trop de sièges vides dans cette belle salle, dommage. L’idée est conjointe à Stef et Garance. Elles n’ont pas eu de mal à convaincre d’autres copines : Gervaise, Pauline Paris, Agnès Bihl et Clémence Monnier (par ailleurs aussi pianiste de cette soirée). Ainsi que la journaliste Stéphanie Berrebi qui, si elle ne chante pas, nous enchante d’extraits de son dernier bouquin, Les nuits d’une damoiselle. Un plateau rien que de femmes, et c’est rare. D’ailleurs, comptez en pourcentage le nombre de femmes sur les scènes, lors des concerts que vous avez vu récemment, dans votre discothèque perso même… Ou quand vous allumez la radio.
En solo, en duo, en groupe, dans leur répertoire coutumier comme en des reprises (Anne Sylvestre, Vincent Delerm…) et parodies (Leprest, Ferré, Renaud…), ou chansons inédites, certaines créées pour l’occasion, nos amazones font montre de tout leur talent. Et il est grand ! En des chansons féminines il va de soi, féministes aussi, encore que c’est surtout leur bon sens qui nous apparait, comme le nez sur la figure.
C’est d’abord ce décalque d’une chanson de Leprest et de Romain Didier. Ici ça se nomme Tout c’qu’est féminin porte un joli nom : « Pute, péridurale, vaginite, point G / Test de grossesse, Nabila, nausée / Divorcée, burka, pétasse, gros nichons / Tout c’qu’est féminin porte un joli nom… » (le texte en entier, pour le plaisir, dans l’encadré).
Pour bien faire, pour rester dans le ton, il nous faudrait dès lors ne relater cette soirée qu’avec des mots féminins. Pour le plaisir, l’osmose, l’élémentaire solidarité qui s’impose. Mais c’est difficile. Ici, façon de parler, c’est Garance qui frappe les trois coups et d’emblée nous parle de violences par Prends les coups, une de ses plus récentes chansons : « Me demande pas la lune / Je te donne déjà beaucoup / Lèche ici prends les thunes / Baisse les yeux plie les genoux (et prends les coups) ». Elle et ses copines ne rivalisent certes pas dans la gravité (assortie souvent d’un humour bienvenu) mais construisent, en chanson, un redoutable argumentaire. A charge et à décharge.
Quand Gervaise lit le tube de Soldat Louis, c’est vrai que la violence du propos saute aux oreilles : « Ça fait une paye qu’on a pas touché terre / Et même une paye qu’on s’fait / Des gonzesses en poster / Tant pis pour celle qui s’pointera la première / J’lui démonte la pass’relle / La cale, la dunette arrière ». Effroi dans le dos. Des textes il y en aura d’autres, qui alternent avec les chansons. Des d’Eve Ensler, de Benoîte Groult, de Monique Willig et Sande Zeig. D’Agnès Bihl, extrait de ses 36 heures de la vie d’une femme (« parce que 24, c’est pas assez »). D’une enquête aussi sur les femmes et la musique, avec des chiffres désolants.
Gervaise est en apparence toute séduction « Quand j’enlève tout / Quand je fais glisser doucement mes dessous… » mais, avec elle, faut pacifier : « Je suis calme comme une bombe ».
Stef nous offre la première d’une chanson bien mise en règles (et en musique par Manu Galure : tiens, un mec !) : « Devine qui débarque ? Tante Charlotte / J’ai dénoyauté les griottes / Ce soir c’est relâche mon chéri / Excuse… y a l’AG du Parti ! »
On pourrait citer toutes les chansons, toutes le méritent ! Comme cette parodie, par Clémence Monnier, sur l’air de Tu vas au bal, sur le port du voile et le corps des femmes. Brillant, exemplaire (à écouter en vidéo ci-dessous).
Quand le commerce tente de faire son beurre avec cette date du 8 mars, style « un soutien-gorge acheté, une culotte offerte », nos sept mousquetaires aux fleurets à peine mouchetés pourfendent l’indifférence, certes devant un public acquis. Diantre, c’est à la télé qu’elles devraient chanter ce qu’elles chantent !
Une pour toutes, toutes pour une, les prestations s’empilent, se répondent, chacune dans son art, sa façon d’être. Réservée, presque timide, pour Pauline Paris ; enjouée, bondissante, pour Agnès Bihl. Toutes avec des mots ciselés, précis parfois grinçants, tranchants. Pas de prêchi-prêcha ici, mais des vers résolus et décomplexés qu’il est bon d’entendre : « Les journaux féminins le crient / Si tu veux être épanouie / Faut être libérée et sexy / Au cinéma, dans les séries / Passés 30 ans, t’es décatie / Tu es cougar ou bien mamie ! » Qui d’ailleurs n’excluent pas la tendresse, même relative : « Je verserai / Dans ta tasse de thé / Tout ce que j’ai / Pour toi d’sucré / J’emmêlerai mes / Pieds dans tes pieds / Nos salives / Mélangées » chante Garance.
Les sites de Stef, Garance, Agnès Bihl, Gervaise et Pauline Paris. Notons qu’Agnès Bihl, dans pile un an, en ce même jour des Droits de la Femme, se produira au Casino de Paris. Et que cet événement-là, des plus fameux, il faut dès maintenant le faire savoir.
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