Marcel Amont : « j’suis pas dans l’vent, j’aime pas les courants d’air »
10 mars 2019, L’Alhambra, Paris,
A 90 ans, on se doute bien que Marcel Amont quittera sous peu la scène. Pour l’heure et par bonheur, il y est. Certes il n’est plus le funambule, le total pitre qu’on a connu. Et ne semble plus pouvoir tenir un vrai tour de chant, par nature épuisant. Mais s’y fait conteur-chanteur-autobiographe, s’y racontant avec simplicité et humour, avec quelques extraits de chansons. Et le renfort de pas mal de copains dont il convoque le souvenir.
Certes, il manque pas mal de titres immanquables pour faire bon poids. Mais il lui en a fallu choisir faisant écho à sa narration. Un récit de vie qui croise quelques légendes du métier mais se concentre surtout sur l’enfance, ses parents. Et ses débuts dans le métier. Avec ici et là des chansons récentes, histoire de bien montrer que l’œuvre n’est pas tout à fait achevée.
« Papa et maman avaient dansé toute la nuit, ils sont rentrés fatigués mais pas épuisés… » C’est ainsi que Marcel Jean-Pierre Balthazar Miramon naît neuf mois après à Bordeaux, même si la famille est de la Vallée d’Aspe. Devenu grand, le Béarnais chope le virus de la chanson et, monté à Paris, troque son béret pour un chapeau. Sa vie va changer, on va l’appeler Monsieur. Le papa s’inquiète pour la future retraite de son fils désormais saltimbanque. C’est le temps béni de la rengaine, le temps où les chanteurs avaient d’la voix. Lui, qui admire Jean Sablon Alibert, Maurice Chevalier et Charles Trenet, se cherche et la voix et le répertoire qui va avec : longtemps il ne chante que les « laissés pour compte », ces chansons que personne ne veut et qu’il s’en va trouver chez les éditeurs. Comme Les amoureux de papier, sur Peynet, signé Aznavour. Charles Aznavour qui lui écrira ensuite Le Mexicain. Celle-là, Amont nous la chante sur scène, en duo avec… Aznavour. C’est ensuite un premier Olympia, « en supplément » du tour de chant d’Edith Piaf. C’est pas mal de rencontres, et plus encore de chansons. C’est De Gaulle qui le salue un jour : « Monsieur, vous avez très bien chanté et je vous en félicite ».
Autobiographie, retour sur un temps que les moins de…(oh !) ne peuvent pas connaître. De temps à autre, une chanson connue qui sort du lot : ah, Le chapeau de Mireille que le copain Brassens lui offrit ! « Le chapeau de Mireille / Quand en plein vol je l’ai rattrapé / Entre Sète et Marseille / Quel est le bon vent qui l’avait chipé ? » Et ce « Bleu, bleu, le ciel de Provence / Blanc, blanc, blanc, le goéland / Le bateau blanc qui passe / Blond, blond, le soleil de plomb / Et dans tes yeux / Mon rêve en bleu, bleu, bleu… »
Ça et donc des titres plus récents, des que souvent nous ne connaissons pas. Dont celui-ci qui d’ailleurs débute son spectacle, à l’adresse sans doute de bien plus « modernes » que lui : « J’suis pas dans l’vent d’ordinaire / J’ai trop peur des courants d’air / J’suis démodé, has-been jusqu’au cou / Mais si vous saviez comme je m’en fous ». Quatre-vingt dix minutes avec une des légendes nous restant de la chanson, qui nous offre là un peu d’elle, de son passé, de sa bonhomie et de ses p’tits airs qui vite se réveillent en nous.
Quatre-vingt dix minutes arrachées à la grisaille du quotidien, avec un complice, un ami de toujours, qui de deux ou trois vers vous requinque, vous embellit une soirée, c’est important. « Mais pour le reste, heureusement / Merci la vie l’amour ça fait passer le temps… » Merci, Marcel !
Très bel article de Michel sur Marcel Amont! Se produire sur scène à 90 ans c’est hallucinant! Comme Aznavour qui lui a écrit l’un de ses plus gros tubes, en fait!