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Prix Moustaki 2019 : scié par SiAu

SiAu, prix Moustaki 2019

SiAu, prix Moustaki 2019 (photos Vincent Capraro)

Le reportage photo complet de Vincent Capraro, c’est ici.

 

De toutes les éditions du Prix Moustaki, cette neuvième (présidée par l’ami Jean Guidoni) restera plus encore dans les mémoires : rien ne s’y est déroulé comme on pouvait le pronostiquer.

En préambule, ruinons la rumeur stupide, injuste, comme quoi les jeux seraient faits d’avance, les lauréat(e)s décidé(e)s en amont (« Le jury du Moustaki est nombreux, donc incorruptible » a tenu à préciser Matthias Vincenot, le co-créateur, avec Thierry Cadet, de ce prix). C’est bien le soir même, en public, que tout se joue. Que les pronostics (libre à nous d’en faire, ou non) peuvent le cas échéant voler en éclats. C’est ce qui vient de se passer.

Sept candidat(e)s, sept idées de la chanson, sept esthétiques pour le moins différentes. Du plus « traditionnel » comme peut l’être Bastien Lucas au plus éloigné du genre, bardé de machines et le verbe rare, indigent, même si, dans un passé récent, il fut chanteur (sous le nom de Simon Autain) : SiAu.

Philippe Lefait et Jean Guidoni

Philippe Lefait et Jean Guidoni

Citons-les, ces sept mercenaires, par ordre d’entrée en scène : Leïla Huissoud, K !, Bastien Lucas, Morisse, La Pietà, Rovski et SiAu. A chacun, deux chansons, une dizaine de minutes pour convaincre. Puis, pendant que les techniciens s’affairent autour du candidat suivant, un entretien, parfois insolite, souvent indocile, avec le journaliste Philippe Lefait, de l’émission Les mots de minuit (depuis cinq ans sur le net) : une succession de moments d’anthologie, de surréalisme parfois, d’insolence aussi. Du Lefait et encore à faire.

Nous ne referons pas, par ce papier, le déroulé de cette passionnante manifestation. L’inclination de NosEnchanteurs (représenté dans ce jury) le portait à soutenir des artistes comme Bastien Lucas (que nous retrouverons en concert dans quelques jours à l’occasion de son passage à la Manufacture chanson), Leïla Huissoud et K ! (deux de nos albums de l’année 2018), voire Rovski, même l’énigmatique et sombre La Pietà que des pythies tenaient pour grande favorite. Tous dignes représentants de cette chanson qui nous anime, que nous défendons au jour le jour.

Leïla Huissoud

Leïla Huissoud

Nous avons assisté à deux victoires, en tous points opposées, qui signent l’irréconciliable partage de la chanson : les professionnels du jury ont sans ambiguïté sacré SiAu au second tour de scrutin, tandis que le public (un tiers au préalable par internet ; deux tiers le soir dans la salle) a choisi Leïla Huissoud. On ne parlera même plus de deux conceptions de la chanson mais d’un fossé gigantesque, béant, irréconciliable. Si le public fait honneur à une chanson où la parole est importante (comme le sont les chansons entre autres de Georges Moustaki), les 41 membres du jury (environ deux tiers de journalistes pour un tiers d’organisateurs) qui sont en mesure de faire ou défaire l’opinion ont choisi une forme de musique sans trop de paroles, en tous cas où la parole n’est qu’un vague son parmi d’autres, un argument fragile, un prétexte ténu. Certains y verront la négation de la chanson, je ne suis pas loin d’en faire partie.

Divorce donc d’autant plus violent (et passionnant, à bien y songer, à bien l’étudier) entre prescripteurs et consommateurs qui ne sont pas, ne sont plus, loin s’en faut, au même diapason de la chanson. C’est dire la surprise du public, même au sein du jury, à la proclamation des résultats : satisfaction de tant d’audace pour certains, consternation voire tristesse pour d’autres. Ce palmarès relève de la tectonique des plaques et fait de ce Prix l’un des plus passionnants qui puisse être car il est, par excellence, le théâtre des luttes internes à la chanson.

Notons, c’est d’importance autant que nouveau, un troisième prix, celui du Jury Jeunes d’Ile-de-France (très belle initiative au sein même du Prix Moustaki), qui a récompensé lui-aussi SiAu. Et du prix Catalyse (un prix suisse, d’une association de Genève, doté de 1000 euros) qui récompense Leïla Huissoud. Leïla récompensée aussi par les parrains de la promotion 2019, le duo suisse Aliose, qui s’est engagé à prendre notre lyonnaise en première partie d’une salle helvète d’importance.

 

Ici les sites du Prix Moustaki, de  SiAu, Leïla Huissoud, Bastien Lucas. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit sur le Prix Moustaki, c’est ici. Sur SiAu, Leïla Huissoud, Bastien Lucas, là.

Siau, « De l’inconnu » (au Prix Moustaki 2019) Image de prévisualisation YouTube
Leila Huissoud, « Le vendeur de paratonnerres », 2018 Image de prévisualisation YouTube

2 Réponses à Prix Moustaki 2019 : scié par SiAu

  1. Samuel Cajal 10 mars 2019 à 13 h 45 min

    J’aime bien ton article Michel Kemper. Et j’ai une pensée pour tout les artistes qui comme moi sont pris en sandwich entre ce conformisme un brin réac et cette fausse modernité souvent vide de sens.

    Répondre
  2. Daniel Zanzara 16 mars 2019 à 13 h 26 min

    bravo pour les photos Vincent Capraro ! bel édito Michel Kemper, même si je suis pas totalement d’accord avec toi : il n’y a pas eu de choc tectonique avec des plaques antagoniques, mais bien la manifestation d’une pangée sur laquelle glissent des musiciens de tous horizons !!!! c’est bien là la victoire de la soirée et la révélation de la bonne santé de la scène indé actuelle!!! je me serais cru d’ailleurs à la Passerelle.2, où je n’ai eu de cesse de ne pas opposer les différents univers pendant 3 ans ! il y a eu des « leila huissoud », des « siau »et parfois au cours de mêmes soirées ! je ne crois pas aux frontières, mais aux sensibilités, aux intégrités communes ! ce n’est pas la longueur des mots qui fait une belle chanson ou son style, mais sa force à nous suspendre en apesanteur quelques instants ! une chanson, pour moi, est une alchimie, entre les mots, la musique, les ondes qui s’en dégagent ! SiAu et Leïla Huissoud ont réussi cette gageure, mais aussi la plupart des autres participants de la soirée ! j’embrasse notamment ma chère K – Karina Duhamel ! merci aux Prix Moustaki d’exister et à Thierry Cadet, Matthias Vincenot et Amélie Dumas de le faire vivre ! mon salut aussi à Jean Guidoni, président de la soirée que j’étais content de voir et de rencontrer sur ce prix , que j’écoutais adolescent, tout comme Higelin, Lou Reed, Brel ou les Clash !

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