Le concert AA+ de Dominique A
Liège, Le Trocadéro, 28 février 2019,
En ce beau jeudi soir, la salle du vieux théâtre à l’italienne est pleine à craquer. C’est que le chanteur qui s’y produit, sans abuser des passages radio ou télévisés qui pourraient le rendre réellement populaire, bénéficie d’un capital de sympathie à la hauteur de son aura artistique. Les liégeois sont donc venus en nombre célébrer celui qui peut légitimement revendiquer la place du podium laissée vacante par Bashung. Et bien leur en a pris, tant – disons-le d’emblée – la soirée fut réussie en tout point.
A l’automne dernier paraissait La Fragilité, un des plus beaux disques de Dominique A, dont l’œuvre foisonnante regorge pourtant déjà d’albums hautement recommandables. Il suivait de peu Toute latitude, paru au printemps. Autant celui-là donnait dans le rock urbain électro, autant celui-ci paraissait serein et dépouillé. Deux facettes d’un talent immense.
Ce diptyque a donné lieu à deux tournées, chacune étant le reflet de l’album lui servant de support. C’est donc assez logiquement que les musiciens qui l’accompagnaient sur le premier volet se sont à présent volatilisés, laissant la place à un Dominique A en solo, armé de ses seules guitares, de quelques rythmiques électro, d’un light-show très efficace et de sa voix grave et douce à la fois.
Avec une demi-heure de retard sur l’heure annoncée, le chanteur s’avance sur la scène. Pantalon de toile et simple polo noir, la sobriété est de mise. Pourquoi s’encombrer de fioritures quand on a un tel charisme naturel ? Il ouvre le bal avec La poésie, qui claque comme une déclaration d’intention. Elle avait si peu à confier / Pas du genre à trop s’épancher, nous dit-il. Une sorte d’autoportrait ? L’homme est avenant, mais guère bavard non plus. Tout entier à son affaire, s’en remettant à la qualité de ses chansons et à l’écoute attentive de son public, il n’a nul besoin de lier la sauce par des intempestifs bavardages de transition. Pas plus qu’il ne se plie à la coutume de prolonger les chansons dans des versions scéniques faisant la part belle aux ponts musicaux à rallonge. Chez lui, tout est affûté, tranché, sans superflu. Pas de reprises du refrain par le public, pas de demandes de faire du bruit, nulle sollicitation à se lever ou à applaudir. Ce qui lui permet d’ailleurs, pour un concert de deux heures, de nous offrir 29 morceaux. Qui dit mieux ?
Et quelles chansons ! Le gros du spectacle provient évidemment de son dernier album : Comme au jour premier, Le ruban, J’avais oublié que tu m’aimais autant, La fragilité… seront ainsi de la fête. Pour le reste, l’artiste a puisé à loisir dans le vaste répertoire de ses 12 autres disques. Des classiques attendus par ses admirateurs (Pour la peau, Tout sera comme avant…), ses minis-tubes (Rendez-nous la lumière, Au revoir mon amour, Eleor…), ses chansons écrites pour d’autres (En surface, emprunté à Daho ou Immortels que nous avons pu découvrir l’année passée dans le Bashung inédit), ses perles méconnues (Gisor, Central Otago, L’océan…). L’ensemble est d’une cohérence exemplaire. Si les chansons ont des thèmes variés, toujours l’humain reste le centre du propos. C’est évident lorsqu’il dresse le portrait d’un alcoolique malheureux (Hasta Que El Cuerpo Aguante) ou d’un artiste nostalgique (Music Hall). Mais s’il évoque la guerre (Le ruban), ce sera par le biais d’une famille réfugiée dans une cave lors d’un bombardement. S’il aborde la désertification rurale (Le grand silence des campagnes), le grand sujet sera vu par le prisme d’un souvenir de gamin. Et quand il chante plus poétiquement la nature, le temps qui passe ou l’usure de l’amour, toujours sera-ce par l’entremise d’un regard humain. Nulle envolée lyrique détachée du réel chez lui. Dominique A fait œuvre concrète, avec l’humanité comme socle de base, réveillant en nous les échos de sensations communes et de sentiments partagés. Il parle de lui, il chante les autres, mais c’est bien de nous dont il est question en définitive ! Découvrez-le et vous comprendrez pourquoi il nous est si précieux.
Le concert s’achève sur une note inattendue. Délaissant sa guitare pour une bande-son, l’artiste nous offre une splendide version dépouillée du Courage des oiseaux, issu de son premier album (La fossette, en 1992), agrémentée d’une chorégraphie toute personnelle. Une gestuelle à son image, unique et séduisante, pour nous laisser partir avec ces jolis mots dans la tête : Si seulement nous avions le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé.
Dominique A a bien choisi son nom de scène. La première lettre de l’alphabet reflète parfaitement la place qu’il mérite d’occuper dans la chanson française. On le savait en écoutant ses disques, on en a confirmation en allant l’applaudir sur scène. La preuve très vivante qu’il n’est pas nécessaire d’être mort pour mériter le titre de grand Artiste. Avec un A majuscule.
Le site de Dominique A, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Bonjour j’ai vu ce superbe concert pouvez-vous me dire le titre de la chanson où il s’occupe de son fils qui rentre ivre c’est un bijou je ne la retrouve pas si vous m’aidez vous aurez ma reconnaissance éternelle!
Bien à vous
Ce n’est pas de son fils qu’il s’occupe, mais de son frère. La chanson s’intitule « Vers le bleu » et figure dans l’album « Vers les lueurs ». Très beau morceau effectivement.