Jeanne Plante, couchée dans le chafouin…
Pour une belle plante, c’est une belle Plante. « Avec une grande robe rouge à paillettes fendue à la Sylvie Vartan et une perruque rouge avec des cheveux qui vont toucher les étoiles. Ridicule et femme fatale. Et sensuelle, qui ne se prend pas au sérieux » dit-elle d’elle-même. Qui plus est « chafouin », pas même au féminin, même si elle fouine ici, si elle couine là.
Je vous la décris comme elle est sur scène, dans cette comédie musicale burlesque, Jeanne Plante est chafouin. Là, c’est dedans le disque qui en est tiré. Jolie pochette d’ailleurs que ce digipack recto-verso : la robe et la chevelure rouge sur pile, les fesses sur face. Posons le disque sur la platine. Jeanne s’y sent chafouin[e] : « Je chante des chansons / Parce que j’ai le temps / Quand on est amoureux / On s’occupe autrement ». Dépitée, délaissée, désœuvrée, notre Plante cherche son planteur, son plantoir, en posant toutefois ses conditions : « C’est pas le tout d’avoir un gars / Qui s’agite dans son lit / Moi je veux de l’amour qui rend fou / Je veux toucher le Paradis ». Libre et d’humeur vagabonde, elle taquine, elle tapine, scrutant la gent masculine, congédiant, répudiant les postulants défectueux (que voulez-vous, elle ne voit que les détails qui tuent) pour proposer in fine son séant à bien pire encore. « Je jouis je mouille / Et quand je mouille / Les bateaux mouches / Sur la Seine coulent / Coulent coulent coulent ».
Plante prend racine dans ces artistes qui osent chanter tout haut et sans détours l’amour : c’est cru, c’est souvent cul, ça ne peut pas faire de mal si on se fait du bien : « Tes épaules sont l’horizon / Où s’accroche ma déraison ». L’humeur vagabonde et varie. Y’a des hauts, y’a des bas qu’on retire pareillement, qu’on jette à la face des amants. Promesses et désillusions, sur lit d’amour que sauve l’humour… C’est drôle, drôl’ment bien écrit.
Jeanne a trouvé l’accroche pour attirer à elle les projecteurs médiatiques : nos chanteuses sont en si grand nombre sur le marché qu’il faut bien s’y distinguer. Encore faut-il le faire bien : force est de constater que Jeanne ne se plante pas : à un titre près, c’est elle qui a tout écrit, tout composé, et c’est du bon boulot. Qu’elle sait bien se mettre en bouche, s’en pourlécher même : ceux qui l’ont vue en scène disent que c’est communicatif. Est-ce aussi contagieux ? De fait Jeanne Plante sort du lot. C’est son cinquième album (le précédent était pour jeune public) en pile dix ans et, malgré la qualité des précédents, c’est de celui-ci qu’on va parler, qui va faire son chemin, qui fera qu’elle gagnera d’ici peu les saisons culturelles, qu’on s’y précipitera pour y frémir de cette frénésie chafouine, de cette chanteuse en « perruque rousse / cheveux longs / fesses en mousse / très hauts talons » appelée à devenir une de nos égéries. Ceci dit, elle l’aura bien mérité.
Jeanne Plante, Jeanne Plante est chafouin, L’Autre distribution 2019. Le site de Jeanne Plante, c’est ci ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là. A l’Européen, à Paris, le 20 mars 2019.
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