Wally fait son comique-out
Que n’a-t-on pas dit de Gérard Jugnot le jour où il a rasé sa moustache de français moyen et cessé de systématique- ment jouer au comique pour investir d’autres rôles, plus dramatiques, au cinéma ?
Que dira-t-on de Lilian Derruau qui, après trente ans de p’tites chansons rigolotes, s’est mis à l’intime, un peu « comme des instantanés de sa vie » ? Euh… Lilian Derruau, c’est qui ? Qui va là ? Qui, Wally ? Donc, Wally ! Avec qui nous avons ri à gorges déployées.
Wally a fêté il y a peu ses cinquante ans, dont l’essentiel à chanter des trucs incongrus, facétieux, énooooormes. Des chansons-flash de quelques secondes, des points, des virgules. Parfois plus long : des points-virgules. Que peut-il se passer dans la tête d’un humoriste qui, sans crier gare, passe dans le camp d’en face, rejoint le clan des chanteurs sérieux, des « ne me quitte pas », des « que sont mes amis devenus » ? Des chansons de plus de trois minutes. Vire-t-il sa cuti, fait-il son comique-out ?
Au kazoo, Wally a préféré tout un orchestre. Au cas où, il a préféré des textes sensibles, parfois émus, à ses calembours et autres traits d’humour. Voilà Wally qui est un autre. Quitte à l’être tout à fait, il se fait même aussi appeler Derli. Derli ? Oui, le Der de Derruau et le Li de Lilian.
Le projet Derli de Wally, c’est ça : « Wally s’autorise enfin à dévoiler ses sentiments personnels, son rapport et ses questionnements sur le temps, mais aussi son regard sur la société ». Par bonheur, Florent Pagny ne sera plus le seul à réclamer sa liberté de penser, il suffisait d’y penser. Mais, pour dire l’intime, il faut paradoxalement être plusieurs. Nous sommes désormais loin du petit ukulélé ou de la guitare pas bien farouche qu’il grattait seul en scène ; c’est maintenant non orchestre symphonique mais ça en prend le chemin : violoncelle, violon, contrebasse, clarinette, percussions et tout de même guitare. Ce sera plus cher de faire venir Wally maintenant qu’il est Derly.
Et que nous chante-t’il, Derli-Wally ? Une belle émotion en souvenir d’un manifestant pour les arbres : « En plein pays de Jaurès / On a tué Rémi Fraisse ». Une charge contre la surconsommation, le bonheur commercial : « Ouvert dimanche et jours fériés / On en rêvait / Emmanuel Macron l’a fait ». Chanteur engagé, oui, depuis le temps qu’il se retenait… Mais pas que. Chanteur amoureux, mélancolique, nostalgique, qui compte les années passées et celles qui restent… Toute la panoplie des grands répertoires, thématiques éternelles. Et c’est comme si Wally avait chanté ça toute sa vie. Oh, reste sa diction, son accent d’heureux habitant de l’Aveyron, quelques réflexes et réflexions des temps naguère, des mots malicieux qui tentent de rester sérieux cause au nouveau projet. C’est tout Wally, mais différent. C’est tout aussi bien.
Wally, Projet Derli de Wally, ep SARLetLUI/Ulysse 2019. Le site de Wally, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Cet EP n’est disponible que sur le site de Wally et sur celui d’Ulysse, sa maison de prod.
Une bien belle soirée, vendredi dernier, au Centre Culturel Robert MArgerit à Isle (87).
De la poésie, de la tendresse, un brin de nostalgie et toujours de l’humour, Wally a évolué et c’est très réussi. Il faut aussi saluer la très belle prestation de ces cinq complices de scène, ainsi que la mise en lumière qui valorise encore plus l’ensemble.
Et Wally est toujours aussi sympa avec son public, en prenant largement le temps de la discussion après-spectacle.
J’étais aussi à Isle, je partage tout ce qui est écrit. C’est magnifique.Le travail d’une équipe est très sensible, et l’après spectacle est tout autant collectif, vivant, animé, chaleureux.
JPaul Gallet