Tété, l’éloge des faussaires : un fake ? même pas !
Pour son neuvième album, Tété se la joue faussaire, « fauthentique » comme il le titre, un peu comme s’il reprenait et amplifiait la célèbre chanson de Brassens, Histoire de faussaire. On songera aussi au Métier de faussaire de Dominique A. Chez Tété, ça donne : « Tu falsifies / La modestie, la doute / L’intelligence, la talent / Simili / T’imites, tu mimes / La poésie des grands, l’élégance et le dépit / Comme au temps des faussaires de génie » (parlant de copie, c’est fou comme on devine dans ce titre des bribes musicales de Mon homme, jadis chanté par Mistinguett…).
D’ailleurs, on peut jouer au jeu des ressemblances et vraisemblances dans cet estimable album, pas mal d’expressions étant prélevées à l’air du temps, comme ce « Souvent quand c’est gratuit / Cherche pas c’est toi l’produit ».
Dans ce disque nerveux, Tété passe en revue un peu beaucoup de notre monde consumériste, de ces tromperies sur la marchandise. Les biens matériels, bien sûr, fût-ce pour aller, compte-tenu des promos en cours, visiter Mars à deux. Et d’autres biens, immatériels (et encore) où le faux s’étale, s’y ébroue en long comme en large : wifi (pour le coup il tente un Week-end sans wifi) ou politique (« Votez pour moi / J’accolerai le feu qui brûle / A ces pauvres gens qu’on accule… »). Le traitement de l’actualité, l’économie… tout passe au filtre des mots de Tété qui, à sa manière, décode, inverse les codes, fait son tri du vrai du faux.
Même la musique, si ce n’est ici et là des claviers et guitares, et batterie et cordes additionnelles, est pour partie fausse : que des programmations ou presque, faussement pop, faussement folk, qui fatigueront sans doute vite ces chansons, obsolescence déjà programmée.
On ne va pas passer en revue les quatorze titres, mais la fausse-vraie thématique de cet opus est respectée, Tété retombant toujours sur ses pattes, poursuivant le mensonge, jusqu’à l’ultime chanson, Normal, qui voit la Terre déjà crier, mais ça c’est justement pas un mensonge.
Cette revue du faux, faussement naïve, est joliment récréative. Il n’y a vraiment que cette musique sans trop d’âme, sans imagination, répétitive, qui en limite la portée, en limite le plaisir. Oui, c’est ça : il manque une vraie musique à cet opus qui s’est, hélas, trop bien pris au jeu du faux.
Tété, Fauthentique, BMG 2019. Le site de Tété, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Commentaires récents