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Michel Boutet : tranches et tronches d’humains

Michel Boutet (photo non créditée tirée de sa page facebook)

Michel Boutet (photo non créditée tirée de sa page facebook)

« Barbouillot d’pain sec », 8 février 2019, Salle des Tilleuls à Viricelles (42),

 

Ce soir-là, de prétendues célébrités chantaient dans la télé, s’autorisant des Victoires en veux-tu en v’là dans un pitoyable entre-soi. C’est là où on comprend qu’il y a tout un monde entre la chanson et le show-bizness, un fossé, des faussaires. Quitte à faire, réflexe de survie, je suis allé voir en vrai un chanteur qui, pour le coup, ne chantait pas. Enfin, si : une seule chanson pour quatre-dix minutes de scène. Dans un spectacle où donc il ne chante pas particulièrement : il cause. Abondamment. Tant qu’il n’est pas seul, il est foule à lui tout seul. Une foule raisonnable, un petit village, une galerie de personnages. Des paysans, des rustiques, des qui a part sans doute le médecin n’ont pas dû aller bien plus loin que le certificat d’études. Et encore. Des gens pauvres, riches de leurs savoirs ou pas. Des de bons sens, et encore. Pas tous. Mais des englués dans la vraie vie.

Les paysans, les culs terreux, ça alimente facilement les sketches de prétendus humoristes qui y trouvent à bon compte (en banque) raison de se moquer d’autrui, de se payer de leur fiel la fiole des bouseux, de provoquer des rires aussi gras que le fond de leur slip. Là, non. Boutet, lui, fait bouquet de poésie, d’humanité. Il met en scène des gens dans leur vie simple qu’est déjà bien compliquée. C’est la vie, la mort et tout l’bazar. Avec des repères, des lieux emblématiques où se croise et décroise la vie. Y’a le Café du Bar, l’épicentre. Y’a l’église où parfois le curé raconte tellement de conneries qu’on le privera d’un mort pour le célébrer ailleurs en une fête païenne qui sent autrement mieux la sincérité, le respect. Y’a des misérables masures, tapissées de pauvreté. Il y a des gens qui parlent et parlent beaucoup. Et des taiseux, comme cet ancien capitaine au long cours qui léguera ses souvenirs, bibelots et cartes à l‘école publique. Y’a la fille Bouvier, à la poitrine qui ferait se damner un saint, tourmenter toute la gent masculine, et s’offrira à leur grand dam à une dame. Y’a aussi ce mort-né qui nait bien vivant, tant que c’est quand même lui qui, sur cette scène, nous le raconte.

On rit, on pleure en écoutant, en vivant par procuration ces cascades de vies, heurts et malheurs, parfois bonheurs, tranches et tronches d’humains. Que de la vie, « des histoires vraies qu’auraient pu arriver » comme il dit, que beaucoup doivent effectivement l’être. Des qu’aucun scénariste de sitcom ne saurait imaginer : la vie, dans ce qu’elle a de beau et de tragique. Boutet est là, qui nous raconte ses vies, avec ses mots à lui, du parlé de tous les jours, avec des expressions pour le moins imagées. Et du bon sens. Rien d’étonnant d’ailleurs de la part de Michel Boutet, au moins pour qui connaît son œuvre, se fredonne ses chansons : que des mots tricotés dans le beau, surpiqués d’émotions. D’ailleurs ce Barbouillot d’pain sec est fait de la même matière que ses chansons : si la forme est au final pas pareille, c’est histoire de dosage, de versification, de petites notes en plus ou en moins.

Deux chaises sur scène, qui tiennent d’accessoires non de décor. Le décor est dans la voix de Boutet. Et dans nos têtes. C’est tellement bien écrit, bien décrit. Même les odeurs sont là, ici le salpêtre, là l’anisette, furtivement le vin de messe. Vous rendez-vous compte : on est enivrés sans même en avoir bu.

 

Le site de Michel Boutet, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

Sophie Martin était en première partie de cette soirée : nous y reviendrons prochainement.

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Une réponse à Michel Boutet : tranches et tronches d’humains

  1. jean humenry 9 février 2019 à 17 h 39 min

    Comment parler de mon vieil ami Michel ?
    Nous nous voyons si peu souvent tant la vie nous bouffe de temps.
    Et ce temps est aux souvenirs, du temps où Michel faisait halte à la maison avec son amie du moment, sur ses routes qui le conduisaient vers la Hollande ou le ramenaient, chargé d’herbes, de graviers des chemins, des mots d’auto-stoppeur.
    Je t’aime Michel, tu es de cette famille de chercheurs d’or dont était notre compagnon parti trop tôt il y a si longtemps.
    Si tu as de ses nouvelles toi qui regardes souvent le ciel, les pieds dans la glaise…dis-moi comment va Bernard Haillant notre inestimable frère d’armes !

    Répondre

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