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Serge Utgé-Royo : la mémoire des luttes dans l’écho du présent

Serge Utgé-Royo (photo non créditée tirée du site d'Utgé-Royo)

Serge Utgé-Royo (photo non créditée tirée du site d’Utgé-Royo)

C’est un disque de l’entre deux. Pas de celles de 14-18 et de 39-45, non. Des bien plus actuelles et pas moins présentes. Disons de l’entre Nuits debout et Gilets jaunes. Certes il est nul besoin d’être artiste pour sentir la terre qui tremble sous les pas, la colère qui monte. N’empêche, le poète sent plus et mieux les choses venir. Et les consigne de l’encre de sa plume puisée au sang des coquelicots, aux fleurs des ronds-points. Il traduit ce qui est en suspension dans l’air : « La révolte pousse à travers champs / Rouge et noire / Dans le monde gris et immobile / Naissant et mourant / A chaque instant / Fleur éphémère de l’espoir ». Ce disque-là, précieux à plusieurs titres, est porté par la mémoire, [cette] longue mémoire qui nous fait remettre cent fois l’outil sur le métier, qui fait chaque fois renaître les germes de la révolte, d’une possible révolution : « Un chant s’en vient de la longue mémoire / Pousse ma voix dans l’écho du présent ». C’est un disque qui fleure bon la plage sous les pavés et appelle les chansons qu’il nous faut mettre en chantier pour accompagner nos manifs outragées : Serge Utgé-Royo nous en propose de nouvelles, comme un acompte, une somptueuse contribution.

Convoquer la mémoire pour faire écho du présent, certes. Sauf si la carte mémoire est défectueuse, car Utgé-Royo chante aussi autant qu’il la déplore cette déperdition, ce mortel oubli : « Les gens de mon pays ont de pauvres mémoires / Et les rages d’antan sont des colères mortes ».

couv-la-longue-memoire-big-07d3b44fL’ancien typographe qu’est Serge Utgé-Royo est homme de caractère, de convictions. Son chant est rare constance, qui jamais ne dévie, ne délie. Il est colère qui, au vu de l’état de notre actuelle République, ne risque pas de s’apaiser. Le contraste, c’est qu’Utgé-Royo la chante de sa voix douce qui parfois ferait songer à celle d’un chanteur de charme. Mais le décor de la pièce n’est pas fait de carton-pâte, d’illusions d’opérette : c’est la rue ! Les acteurs sont le peuple, qui se refusent d’être les figurants d’une mascarade démocratique. C’est dire si le charme ne saurait cacher un propos précis et pressant, comme celle qui ouvre le disque, sur les réfugiés de la Méditerranée : « Des petits étrangers / Aux papiers délavés / Cherchent dans la matin / Quatre croissants de lune ».

Quitte à faire un disque (son dix-septième ; le précédent, Memorias ibéricas. Cantar para los mios, remonte à 2014), en ces temps où tout se dématérialise, même l’espoir, autant le faire beau. Celui-ci l’est particulièrement. Comme un livre aux parois épaisses pour mieux le protéger des affres de l’avenir : « Pour faire un pied de nez aux marchands, j’ai décidé de faire un gros livre-disque, avec beaucoup de mots […) et des photos, et des reproductions d’œuvres peintes, et des dessins d’autres compagnons de route ».

D’Isabelle la catholique au Mur des fédérés, cet opus est livre d’Histoire, d’allers-retours dans l’Histoire, pour mieux nourrir nos combats. Par bonheur, c’est aussi un disque de belles chansons, textes comme musiques. Des musiques qu’on doit pour l’essentiel à Léo Nissim, par ailleurs arrangeur et directeur d’orchestre. Des notes aériennes, jamais pesantes, qui aimeraient plus encore participer à l’air du temps, l’inspirer, le nourrir.

 

Serge Utgé-Royo & Léo Nissim, La longue mémoire…, Noir Coquelicot/Edito Hudin Musiques/L’autre distribution 2019. Le site de Serge Utgé-Royo, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Concerts le 17 février 2019 à la salle Pierre-Bérégovoy à Carmaux (81), le 1er mars salle Germinal à Désertines (03), le 14 mars au Palais de la Mutualité à Lyon (69), le 7 avril au Minotaure à Béziers (34).

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Une réponse à Serge Utgé-Royo : la mémoire des luttes dans l’écho du présent

  1. Michel Trihoreau 10 février 2019 à 6 h 34 min

    A noter que la seule chanson qui n’a pas été écrite mais seulement mise en musique par Serge Utgé-Royo dans ce magnifique album est un texte d’Eugène Bizeau.
    Mort il y a 30 ans à l’âge de 104 ans, Eugène Bizeau a fréquenté Aristide Bruant et Gaston Couté à la Muse Rouge. Libertaire et pacifiste, il s’insurge ici contre la tentative de récupération en 1928 par le Parti Communiste du Mur des Fédérés où 147 communards ont été fusillés et enterrés par la troupe du maréchal Mac Mahon aux ordres de Thiers.
    « Non ! Ce mur-là n’est pas à vous
    Pas plus à vous qu’il n’est à d’autres
    Il appartient aux grands apôtres
    Dont les fantoches sont jaloux

    Il est aux martyrs trop nombreux
    Dont le souvenir douloureux
    Plane au-dessus de nos misères… »

    Répondre

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