Yves Duteil, poète, saltimbanque, artisan (l’entretien intégral)
Vous êtes actuellement en pleine tournée, intitulée « 40 ans plus tard ». Pourtant, votre premier 45 tours, Virages, date de 1972. Pourquoi 40 ans alors ?
C’est vrai que si l’on prend ma durée de carrière, nous arrivons à 47 ans. On a arrondi parce que c’est plus beau et plus pratique, vu que les 50 ans, nous n’y sommes pas encore. C’est également une référence à un morceau de mon dernier album, que je chante dans le spectacle, qui porte ce titre de 40 ans plus tard. C’est une chanson d’amour sur mon épouse et moi. Elle a visiblement touché les gens car on m’en parle beaucoup. C’est une façon de répondre aussi à cet intérêt-là.
C’est donc à la fois une déclaration d’amour envers votre épouse et votre public. Sont-ils indissociables dans votre esprit ? Pensez-vous que votre carrière aurait été pareille sans elle ?
Absolument pas. Noëlle a joué un rôle majeur. Dans la création, même si ce n’est pas elle qui tenait la plume, c’est elle qui tenait ma main. C’est très important pour moi d’avoir son éclairage, son avis, sa vision. Elle est toujours le premier public de mes textes et de mes musiques. Pour le dernier album, elle en a suivi toutes les étapes et a été présente à toutes les séances d’enregistrement. Elle a agi vraiment comme un éditeur ou un directeur de collection, qui vous corrige, vous pousse à aller plus loin, à revoir votre copie. C’est un rôle essentiel de miroir. Mais un miroir à la fois très exigeant et très bienveillant.
Il y a un an sortait Respect, votre 15ème album seulement en 46 ans d’activité. Etes-vous satisfait de ce nombre ou estimez-vous que vous auriez pu en faire davantage ?
Déjà, j’observe que j’en ai fait plus que Brassens (rires)! Je dirais que c’est une bonne moyenne, puisque je suis interprète aussi et que les concerts prennent énormément de temps. On n’écrit pas forcément quand on est en tournée. Faire vivre mes chansons, ça me prend toujours plusieurs années après les avoir écrites et publiées. C’est un beau partage : j’aime autant écrire que chanter, et l’un comme l’autre demande du temps.
Testez-vous vos nouveaux morceaux sur scène avant de les enregistrer ?
Pas vraiment. Je crois que les chansons s’inventent véritablement dans le studio. Les chanter sur scène, ce serait donc leur donner une forme avant qu’elles en aient une. La forme définitive, c’est dans le laboratoire du studio qu’on la trouve. Alors, je n’ai pas envie de figer directement une nouvelle chanson dans une orchestration pour la scène, qui serait certainement proche de sa forme d’origine, piano-voix ou guitare-voix. J’ai envie que ma chanson, elle s’habille avant de sortir !
Comment composez-vous le programme de vos concerts ? Chantez-vous l’intégralité de votre dernier album ?
Pas totalement. Je suis obligé d’introduire des chansons de mon répertoire ancien car le public a besoin de repères. Si je ne chantais aucun des morceaux qu’il a aimés, il repartirait frustré. Il faut donc mêler titres anciens et nouveaux, pour établir une sorte de parcours de carrière. Sans que ce soit pour autant un concert « best of » : dans ma tournée actuelle, il n’y a pas La tarentelle, ni Le petit pont de bois, par exemple. En fait, j’essaie de faire en sorte que l’émotion soit le fil conducteur. Je peux alors écarter une chanson nouvelle pour remettre en avant une plus ancienne, pas forcément connue, comme Pour que tu ne meures pas, Fragile ou La chanson des justes… La scène ne permet de toute façon pas à une chanson passée inaperçue à sa sortie de devenir un succès public. Pour ça, il faut qu’elle passe à la radio. Donc, mon choix s’est porté, non pas sur mes chansons les plus connues ou les plus marquantes, mais sur les plus émouvantes.
Seul le fait de les jouer en public nous donne la mesure de l’émotion contenue dans une chanson. J’ai écrit deux types de morceaux : des chansons d’esprit et des chansons de cœur. Les secondes font plus appel à l’émotion qu’à la culture, alors que les premières sont des chansons de raison, où je joue plus sur les mots, où on est plus dans la démonstration, comme Ma grammaire de l’impossible. Cette tournée est plus axée sur la deuxième catégorie.
Cet album, Respect, est très réussi. Non seulement par la qualité des textes, mais aussi par la grande variété qui y est de mise, tant pour les thèmes abordés que pour la couleur musicale.
Ça me fait plaisir que vous me disiez cela car c’était le but poursuivi : aller chercher des choses étonnantes et que je n’avais pas encore faites. Sortir de mes propres sentiers battus.
Est-ce facile, avec une carrière comme la vôtre, de trouver ces nouvelles pistes ?
En écrivant, j’essaie toujours d’aller sur les routes pleines de cailloux, et non celles pavées de bonnes intentions. Par exemple, je peux faire une chanson interprétée d’une voix très douce, mais orchestrée avec des tambours de guerre. Une minute de silence ou Armé d’amour, ce sont des chansons très tendres mais avec une dureté de mots qui vient en contrepoint. Je recherche le contraste, même dans une mélodie. J’essaie d’aller là où on ne m’attend pas et de m’étonner moi-même.
Les thèmes abordés sont souvent graves (les attentats, le manque de respect, le sort de la planète…) mais leur traitement n’est jamais pesant. C’est un équilibre délicat que de dire des choses sérieuses sans être ni donneur de leçons, ni naïf.
J’ai beaucoup travaillé à la gomme pour cet album, avec le regard de mon épouse qui ne me passait rien. J’ai beaucoup plus écrit que ce qui a été gardé au final. Des quatrains ont été effacés, j’ai ôté des couplets. Même une chanson entière n’a pas été retenue : elle était finie mais n’était pas dans la tonalité du reste de l’album. J’ai mis un an et demi à l’écrire et un an à l’enregistrer. Et encore un an supplémentaire à préparer le spectacle. Pour celui-ci, on a cherché et l’épure, et la richesse. Nous avons voulu souligner l’émotion en évitant de la noyer en la submergeant de musique. Autant le studio permet d’enregistrer avec 22 musiciens et de doser chaque note au trébuchet, autant sur scène la musique doit sortir d’un ensemble vivant de façon immédiate. On a donc intérêt à élaguer beaucoup.
J’ai relevé deux références à Claude Nougaro dans votre album. Il y a d’abord ce titre de chanson que vous avez en commun, Armés d’amour, avec la même image forte (« armés d’amour jusqu’aux dents »), mais il est aussi question dans Une minute de silence du « ciel du dedans », emprunté au Paris Mai du maître toulousain.
J’ai toujours été extrêmement touché par Nougaro, au point d’avoir d’ailleurs écrit une chanson sur lui, La note bleue, qui figure dans mon album (Fr)agiles et dont la musique est d’Art Mengo. J’ai effectivement glissé ces clins d’œil pour lui rendre un discret hommage. Il faut dire que j’ai passé tout un été à relire ses textes dans le beau livre « Les manuscrits de Nougaro », aux Edition Textuel, qui permet de plonger dans la manière dont il travaillait.
Malgré votre expérience, vous continuez à potasser l’œuvre de vos aînés ?
La chanson, c’est ma passion. Et au niveau de l’écriture, si on ne veut pas tracer toujours le même sillon, il faut se nourrir des autres. Je fais un métier d’émulation. J’écoute donc ce que font les autres en essayant d’y puiser des enseignements. Je suis aussi très branché sur la transmission. Par exemple, je vais animer dans quelques jours une Master Class aux Studios des Variétés avec 6 auteurs-compositeurs ou groupes. Cela va être 2 jours d’échange sur la création, car ça marche dans les deux sens : je sais qu’ils vont aussi m’apprendre des tas de choses.
Pourquoi ce choix de passer par un label indépendant ? Vous êtes votre producteur depuis longtemps mais vous auriez pu le mettre en licence chez une major. Est-ce un choix délibéré ?
Pour être clair : on a contacté les majors mais aucune n’était intéressée ! On a donc dû faire autrement. Nous sommes des artisans, mais avec la passion chevillée au corps et nous travaillons en liberté.
Le revers, c’est qu’il n’a peut-être pas eu l’écho médiatique qu’il aurait mérité. J’aurais bien voulu le voir nommé quelque part aux Victoires. Pensez-vous que la chanson telle que vous la pratiquez intéresse encore les médias ?
J’en suis persuadé. Mon album Respect a connu une promotion comme je n’en ai jamais connu au cours de ma carrière. L’accueil médiatique a été extraordinaire et extrêmement respectueux. J’ai eu avec cet album un nombre d’émissions et d’interviews impressionnant. Et tous les journalistes qui m’ont reçu l’ont fait avec un respect infini, qui m’a énormément touché. Je ne suis donc absolument pas absent des médias et ne ressens aucune frustration à ce niveau. En réalité, le problème est ailleurs. Pour qu’une chanson soit connue, il faut qu’on l’entende. Or, ça fait 25 ou 30 ans que mes chansons ne sont plus diffusées à la radio.
Je suis heureux de vous entendre dire qu’on vous accueille partout avec respect, car il n’en a pas toujours été ainsi. Il fut un temps où vous étiez une tête de turc pour les plaisanteries faciles. Comme si chanter la paix, l’amour ou l’espérance vous rangeait d’office dans la catégorie des nunuches dont on peut se moquer ouvertement.
Par bonheur, j’échappe aujourd’hui à cela, d’autant qu’avec les réseaux sociaux, on a la dent de plus en plus dure. Le regard a changé et c’est loin derrière à présent. Je crois que le temps a joué pour moi. Quand on écrit des chansons depuis 40 ans, on s’inscrit dans un calendrier tellement long qu’en fin de compte, on inspire le respect.
Votre chanson La rumeur est par contre de plus en plus d’actualité.
J’essaie d’écrire des choses intemporelles. Ce n’est pas une volonté forcenée de ma part, j’essaie juste de garder l’essentiel dans le registre de l’indicible. La chanson relève du domaine de l’indicible, elle dit des choses qu’on ne peut pas exprimer autrement qu’avec de la musique et de la poésie. J’ai comme démarche d’aller vers des sujets pérennes, d’écrire des choses qui franchiront l’épreuve du temps, même lorsque j’évoque l’actualité brûlante. La guerre, la violence, le deuil, la mort, la vie, l’amour, la tendresse…, ce sont pourtant des sujets qui peuvent vite vous faire tomber dans la sensiblerie. Je l’ai toujours évitée pour naviguer plutôt dans les eaux de la sensibilité.
Comment éviter le piège ?
Toutes mes chansons d’amour ou de tendresse trouvent leur source dans des moments vécus. Ce ne sont pas des ersatz d’amour racontés à la sauce poétique, elles reposent sur ses sentiments authentiques. Et même quand j’écris sur des sujets plus larges, ce sont aussi des chansons qui correspondent à mon vécu. Concernant La Tibétaine par exemple, je me suis vraiment engagé profondément pour la cause tibétaine, ce n’est pas un engagement de façade. Ou si je chante Grand-Père Yitzhak, j’adopte le point de vue de la petite-fille de Yitzhak Rabin ? Celle-ci m’a bouleversé le jour des funérailles : devant tous ces chefs d’état qui pleuraient l’immense homme politique disparu, elle est venue dire simplement que pour elle, c’était avant tout son grand-père qu’elle avait perdu ! Pour les enfants du monde entier m’a été inspirée par les images insupportables des enfants-soldats lors du conflit Iran-Irak.
Toujours vous placez l’humain au centre de votre écriture. Vous êtes un engagé humaniste.
Le temps pose des jalons sur des engagements extrêmement profonds, qui correspondent à des réalités. Et ça finit par surnager. Les gens ont pu penser que j’étais un peu naïf ou fleur bleue, mais les sujets que j’ai abordés ont fini par émerger comme des vrais images d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Je les ai toujours traités avec beaucoup de respect et de déférence pour les gens que cela concerne. Armés d’amour, qui évoque les victimes des attentats parisiens, je l’ai écrite en pensant à toutes ces personnes qui ont perdu des proches et qui vont en souffrir toute leur vie durant. Il fallait que je choisisse mes mots avec soin.
Ces préoccupations, on les retrouve également dans vos livres (dernier paru : Et si la clé était ailleurs ?), qui ne sont pas des récits mais plutôt le fruit de vos réflexions dans votre recherche de spiritualité. La démarche d’écriture est-elle différente ?
Les techniques sont bien sûr différentes. J’ai plus de liberté à écrire en prose, puisque je suis libéré de la contrainte de la musique qui suivra ou qui a précédé. Mes livres sont des exercices de quête spirituelle. Aujourd’hui, on se pose beaucoup de questions sur l’humanité, on sent qu’on est à un moment de bouleversement profond et de mutation, on avance dans l’inconnu. La spiritualité, c’est peut-être la chose la plus solide, la plus immuable, celle qui nous fédère tous. Sans qu’il y ait forcément un rapport avec la religion et le dogme : la spiritualité, c’est quelque chose de très personnel. Nous sommes tous tellement différents que c’est très facile de dresser les gens les uns contre les autres. Je pense qu’on est tous reliés par quelque chose, et ce qui m’intéresse, c’est d’aller à la recherche de ce qui nous rassemble plutôt que de ce qui nous sépare.
Votre tournée va se prolonger très bientôt au Québec, où vous allez donner 19 concerts sur un gros mois. C’est assez impressionnant. Vous avez une idée de la raison de votre popularité là-bas ?
J’ai une grande histoire d’amour avec le Québec, qui remonte à longtemps. Dès le premier concert que j’ai donné là-bas, la salle était pleine. Un peu comme en Belgique d’ailleurs. C’est très étrange. Et cette affection ne s’est jamais démentie. Elle s’est même renforcée. Prendre un enfant par la main, c’est devenu chez eux la chanson des baptêmes. La langue de chez nous est considérée comme une sorte d’emblème du combat pour la défense de la langue française. L’année dernière, j’ai même été invité à chanter lors des obsèques nationales de Paul Gérin-Lajoie, qui était un ancien ministre de l’éducation, le fondateur de l’enseignement tel qu’il est dispensé aujourd’hui au Québec. J’ai donc interprété, en pleine cathédrale de Montréal, devant un parterre d’académiciens et d’hommes politiques, une chanson intitulée Apprendre, que j’avais écrite en 2001, à la demande justement de la fondation de lutte contre l’illettrisme qu’il avait créée. Ce fut un grand moment d’émotion pour moi et qui a consolidé encore les rapports privilégiés que j’entretiens avec le Québec.
J’ai une même relation très forte avec la Belgique. Virages, mon premier 45 tours, y a été programmé sur les radios, alors même que le disque n’était pas encore distribué dans le pays. Aux funérailles de Julie et Melissa, le petit François a chanté Pour les enfants du monde entier. Je suis encore allé chanter l’année passée pour « Viva for life », une oeuvre de soutien à l’enfance défavorisée. Tout cela crée des liens qui m’unissent à jamais aux belges.
Votre œuvre a su toucher directement le cœur des gens. A ce titre, je suis persuadé que certaines de vos chansons resteront dans le patrimoine. Est-ce que vous vous souciez de savoir si vous serez toujours chanté dans cinquante ans ?
Ça ne me tracasse pas car je sais que la postérité des chanteurs est très courte. Par contre, la postérité des chansons est beaucoup plus longue. Elles voyagent entre les générations, font leur chemin à travers les âges de la vie… Je n’attends donc pas une postérité personnelle, mais je me dis que je laisserai une trace dans les familles, les chorales, les écoles. Je laisserai probablement une petite empreinte quelque part et ça me va. De toute façon, je ne serai plus là pour le voir.
A NosEnchanteurs, nous avons quelques figures de proue et Allain Leprest en est l’une d’elles. Vous pouvez me raconter la genèse de Garde-moi la mer, probablement la meilleure chanson de son album Nu, dont vous avez écrit la musique ?
Notre rencontre s’est faite grâce à une émanation de la SACEM, une association qui porte le nom de « Les auteurs, compositeurs et éditeurs gastronomes ». On a fait connaissance à l’occasion d’une de ces rencontres conviviales, qui vise à susciter les échanges entre artistes. Je lui avais à cette occasion expliqué la teneur d’une mission que j’exerçais alors au sein du Ministère de la Culture, visant à promouvoir la chanson d’expression française. Le contact s’est tout de suite fait, alors que pourtant, on avait à peu près tout qui nous séparait. Une vraie et belle rencontre. C’est comme ça qu’il m’a demandé, par le biais de son producteur, d’écrire une musique sur son texte. Celle-ci m’est d’ailleurs venue très vite, spontanément. Ce fut une collaboration magique et inattendue.
Vous n’avez jamais imaginé la reprendre ?
Non parce que ce ne sont pas mes mots. Je me suis coulé dans sa nature à lui, je suis entré dans son univers et je ne suis pas sûr de pouvoir chanter les mots de cette chanson. Sa poésie est beaucoup plus rugueuse que la mienne.
Quel mot souhaiteriez-vous qu’on utilise pour vous qualifier ? Poète ? Saltimbanque ? Artisan ?
Je ne sais pas. J’aime bien le mot qu’on utilise au Québec : chanteur-poète. Ça me convient bien. Mais sur mon passeport, il est mis « Artiste ». C’est pas mal aussi car les artistes sont des visionnaires de la beauté dans un monde moins beau que celui qu’on espèrerait.
La présentation de l’entretien à la une, les concerts et deux vidéos, c’est ici.
Yves Duteil, Respect, Unicum Music 2018. Le blog d’Yves Duteil, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
La chanson d’Allain Leprest composée par Yves Duteil :
https://www.youtube.com/watch?v=CebUJ5divZg
Les paroles d’Allain Leprest sont dans la présentation de la vidéo.
Belle chanson, mais le nom d’Yves Duteil n’apparaît pas sous la vidéo ? Garde-Moi La Mer (Album Studio: Nu)
Arrangement musical [piano, Guitare, Ambiance Marine] — Georges Augier De Moussac
Ah ! Oui, j’ai fait un copié/collé des mentions sous la vidéo, et là, on a tout.
Paroles — Allain Leprest
Musique — Yves Duteil
Paroles:
Garde-moi, la mer, garde-moi
Blotti dans ton profond coma
Avec ma gueule et ma fanfare
Avec le vieux feu de mon phare
Pareil qu’un briquet d’amadou
Et ma manie de perdre tout
Avec mes frusques avec mes tics
Mes trucs
De milliardaire sans fric
Mes cris de noyé à la noix
Garde-moi
Garde-moi, la mer, garde-moi
Contre la grippe des frimas
Contre l’âge et contre moi-même
Contre les ennemis qui m’aiment
Garde-moi contre ceux qui rient
Qui comptent, qui gestent, qui prient
Contre le vertige qui ment
Et l’assassinat des serments
Contre tout et tout contre toi
Garde-moi
Garde-moi dans ton bikini
Garde-moi au fond du tamis
Garde-moi, la mer, comme on garde
Sa vieille montre qui retarde
Avec sa rouille et son heure fausse
Avec les rendez-vous qu’on chausse
Comme on garde un mini pays
Un territoire tout petit
Qui pisse dans son pyjama
Garde-moi
Garde-moi, la mer, garde-moi
Dans tes archives de cinéma
Dans tes rouleaux de pellicule
Garde-moi après la virgule
Après la dernière cigarette
Avec mes ongles et mes arêtes
Avec mon cœur et mes travers
Dilué tout au fond du verre
Dans le ciel de ton estomac
Garde-moi, la mer,
Garde-moi