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Martine Scozzesi, la chanson à pleine vie !

Martine Scozzesi et ses musiciens (photo Yann Sévrin)

Martine Scozzesi et ses musiciens (photos Yann Sévrin)

24 novembre 2018, Saison culturelle à Volx,

 

Il est de certains concerts comme des histoires d’amitié, qui se mêlent et s’entremêlent tant qu’on ne saurait parfois dire comment cela a commencé. Pour Scozzesi et Bobin, au moins c’est clair, c’est l’écriture qui les a rapprochés ; Frédéric Bobin, chanteur mais aussi magnifique compositeur, a écrit plusieurs très belles musiques pour le dernier album de Martine Scozzesi. Et quand celle-ci fait la première partie du concert de Bobin, c’est tout naturellement qu’elle l’invite à participer et à monter sur scène, lui et ses guitares mythiques ! C’est ainsi que Bobin rejoint avec un grand sourire Scozzesi et ses deux musiciens talentueux, Riton Palanque à l’accordéon, au cajon et à la voix, et Samuel Péronnet au piano, à la voix et à la composition. On se régalait d’avance, ça va dépoter !

C’est un désert commence le récital, chanson engagée toujours, « Où des femmes sont unies et fières / Elles brandissent leurs années de guerre / Et leur courroux » dans ce désert d’Atacama qui a vu disparaître tant de fils et de frères. Contraste entre les mots, qui parlent de combats et de meurtres, et les rythmes balancés qui permettent d’entendre sans s’appesantir, qui permettent d’être touchés profondément. Seule chanson du concert qu’elle n’ait pas écrite, mais qu’elle s’approprie avec bonheur, comme les reprises de Michèle Bernard ou d’Anne Sylvestre qu’elle a pu faire dans le passé. Hommage est encore rendu aux femmes, avec la chanson Rosa Louise et Flora ; coïncidence, c’est ce samedi la Journée de lutte contre les violences faites aux femmes, mais Martine Scozzesi n’a pas attendu cette célébration pour chanter le destin de ces trois grandes révoltées (Luxembourg, Michel et Tristan), au rythme lancinant du tambour chamane qui donne à cette chanson un élan magnifique pour se soulever : « Vous marchiez bras ouverts / Résistantes ouvrières / S’opposant à la guerre / A la mort par les armes ». La voix chaude de la chanteuse se fait vibrante, appel à l’entraide pour « Celles et ceux qui se noient / Dans des coquilles de noix », appel à l’humanité qui « reste à inventer ». Chanson qui interpelle au cœur pour « suivre les pas » de « celles qui ouvrent la voie » et qu’on reprend en chœur dans la salle.

Martine Scozzesi et Frédéric Bobin photo Yann SévrinDe la grande histoire, nous passons à celle de l’intime, l’amour fou d’un « ultime voyage » dans une chambre de l’Hôtel Victoria. La voix se pose, douceur infinie et si émouvante pour le départ d’un vieux couple, qui « s’est passé comme ça dans la vraie vie », nous dit-elle. Presqu’un fait divers, une anecdote, devenue hommage plein de poésie à l’amour immortel. Intime encore, ce Pourquoi ? est un cri, face à celui qui se laisse dévaster par le chagrin en oubliant l’autre, en oubliant d’aller Du côté d’la vie (titre de son album précédent). Pour traverser une épreuve, « nous avons le choix, nous dit-elle, de nous anéantir ou de nous transformer ». Et il faut parfois que l’autre fasse alors miroir, pour un coup de pied salutaire ! C’est ce qu’on aime chez Scozzesi, cette grande diversité des thèmes, mais aussi ces musiques pleines de vie et de rythme, la belle densité de l’écriture des textes. Rien n’y est ostentatoire et rien n’y est anodin ; les mots, poétiques toujours, y coulent pourtant de source, et on en reprend les refrains, on en retient l’émotion qui y affleure souvent. Si les souvenirs d’enfance y défilent comme dans Je me souviens, c’est aussi qu’ils peuvent parler à chacun : « Ma peau se souvient / Des ces premiers émois entre plaisir et crainte » quand « Ce qui reste inscrit c’est ce que j’ai appris / Par cœur et puis par corps ». Musique entraînante, dont le refrain est là aussi allègrement repris dans la salle. Et quel plaisir pour le public ! Si ce n’est pas un trio (et quatuor pour l’occasion) au sens propre du terme, on peut voir sur scène une belle complicité, une belle présence des musiciens, qui nous enchante et nous emmène très loin !

Mais « J’allume la radio et là… c’est la folie des hommes » nous dit Riton Palanque pour Un jour de rien, pour ces destins qui s’arrêtent brutalement « ‘Cause d’une étoile lourde à porter » ou « Cramponné à ce vieux rafiot, tu cherchais à sauver ta peau » ; des histoires là encore qui nous parlent aussi de la Grande, de vies brisées dans l’injustice d’une délocalisation « Tes mains sont devenues trop chères / Ca coûte moins d’l’autre côté d’la terre ». Pas de leçons de vie, pas d’emphase, on ne mange pas de ce pain-là ici, mais la dignité brandie haut, mais la tête tenue droite pour chanter la vie et le droit à être, tout simplement. D’ailleurs, ce droit-là se veut parfois plus léger sans perdre l’essentiel. « On peut fuir à tout âge, nous dit-elle, et quand il s’agit d’échapper à la maison de retraite, il ne faut pas s’en priver ! ». Ce que font joyeusement les deux cheveux blancs de cette réjouissante Escampette, appel à la liberté et la désobéissance avec les très beaux chœurs des deux musiciens  « Allons prendre l’air et l’avion / J’aimerais revoir la baie d’Along / Vivre mon rêve d’adolescence / Et m’envoler en parapente ». Petit coup de pied dans la fourmilière pour ceux qui « disent que tout est fichu », on finit le récital avec Y a plus qu’à, qui nous réconcilie avec la vie face au défaitisme ambiant. Oui, nous chante-t-elle « Y a plus qu’à déplier nos ailes / Y a plus qu’à mélanger nos vies », chanson d’espérance et de rassemblement quand l’espoir nous abandonne !

Elles ne sont pas si courantes, ces chansons qui savent nous parler de lutte, d’amour et de résistance. Ces chansons qui savent nous émouvoir sans nous plomber, qui nous parlent d’amour en nous parlant d’universel, qui nous parlent de nous en chantant le monde tel qu’il est, terrible absurde et tellement beau. Quand ce sont ces mots, si forts et poétiques, quand c’est cette belle voix-là, profonde et puissante, quand c’est cette musique, si vibrante et porteuse d’émotion, on se dit que certains concerts devraient être reconnus d’utilité publique.  

 

Le site et les prochains concerts de Martine Scozzesi, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs ont déjà dit d’elle, c’est là. Et là encore sur son dernier album Entre l’air et l’eau.

 

L’Escampette, extrait vidéo du concert de Volx : Image de prévisualisation YouTube

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