Lavilliers et Stivell, Grands prix 2018 de l’Académie Charles-Cros
Les deux ont au moins cinquante ans de carrière et, ma foi, n’ont pas souvent été crédités au prestigieux générique de l’Académie du Disque Charles-Cros.
Une fois seulement pour Alan Stivell, presque au début de sa carrière, à l’occasion de son album Renaissance de la harpe celtique, paru en fin 1971 : comme l’intuition du formidable parcours qu’allait être celui de cet artiste d’exception, l’un des plus grands au monde, qui plus est bienfaiteur de la culture bretonne et celte.
Une fois seulement aussi pour Bernard Lavilliers, en 2001, à la sortie d’Arrêt sur image, son 16e album (où figure entre autres Les mains d’or), disque qui nous a alors semblé être le retour du Stéphanois après quelques albums moins en vue.
Tous deux reçoivent aujourd’hui le prix in honorem qui récompense une œuvre en son entier. Alan Stivell dans la catégorie « Musiques du monde », Bernard Lavilliers dans la catégorie « Chanson ». On applaudit à ces récompenses bien plus que méritées.
Stivell et Lavilliers ensemble : l’eau et le feu, le rockeur et le folkeux ? Même si, jadis, Bernard Lavilliers, alors en gros muscles et blouson de cuir, fustigeait les amateurs de folk par des propos méprisants à leur égard, il n’est pas dit que les musiques et chansons trads lui soient totalement étrangères. C’est lui qui, en février 1995 a accueilli trois semaines durant, Gabriel Yacoub (redoutable folk-singer, ancien musicien de Stivell au temps du Stivell à l’Olympia, puis créateur et leader de Malicorne) au Palais des sports, porte de Versailles. C’est dire si l’horizon musical du Stéphanois est plus large et autrement plus bienveillant qu’il a pu le laisser entendre lui-même.
Chacun à sa manière, Stivell et Lavilliers ont créé une œuvre nouvelle et profonde. Si Stivell a fait école, c’est d’abord et surtout par son exemple, à inciter des légions de jeunes bretons, de jeunes celtes, à redécouvrir et porter leur patrimoine musical, à en faire à nouveau une matière à travailler. A renouer aussi avec la harpe celtique. Lavilliers, lui, a créé comme une subdivision de la chanson, qui tient à son personnage unique dans les annales de cet art : un baroudeur sans frontières avec un regard acéré sur notre monde, qu’il soit d’Europe, d’Amazonie ou d’ailleurs. Un regard politique et social qui, lui, s’inscrit certes dans une longue tradition mais dont il apporte depuis des décennies de vraies perles de chansons. Du haut de gamme pour nos deux héros qui, ce soir, lors de la cérémonie du Charles-Cros (hélas retransmise sur aucun média et c’est regrettable), recevront chacun une récompense hautement symbolique : le Charles-Cros est la plus belle récompense qui puisse être donnée à un artiste.
D’autres lauréats ce soir (qui pour un disque, qui pour une prestation scénique) parmi lesquels Alexis HK, Bonbon Vodou, Touré Kounda, Jean-Louis Trintignant et Daniel Mille, Bigflo & Oli ainsi que Clara Luciani. Nous y revenons en détails et en photos ici.
« Quelques erreurs parfois (non, Malicorne n’est en rien un groupe de folk irlandais et anglais !) ».
J’écris p. 87: « Malicorne,groupe folk français important des années 70… »