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Fontaine Wallace, la tête la première

Fontaine Wallace_Cover_WebUne série de contre-temps tragiques, suivis de l’actualité débordante des festivals d’été puis de la rentrée m’avait empêchée de chroniquer cet album lors de sa sortie. Pourtant cet opus est exemplaire de la qualité de la création actuelle en tous points, et pas loin à mes yeux de remporter le titre de l’album de l’année, catégorie groupe vocal.

Un groupe, quelle idée, alors qu’on a déjà du mal à se faire programmer seul avec sa guitare ! Un groupe, trois garçons et une fille, Nicolas Falez (textes, guitare), Fabrice De Battista  (claviers), Ludo Morillon (batterie) et Cécile Beguery (basse) qui chantent un rock pop doux et mélodique à l’unisson souvent, ou avec une voix en avant (Déjà fait, une superbe chanson d’amour, art d’utiliser des mots simples pour en dire plus, mais pas dans la facilité). Ou en opposition, sur une musique tendue, au rythme lancinant, ce Sagittaire « fait de tant d’hommes / Un clown un roi un missionnaire / Un fils un père, un amant ».

Un groupe, comme dans les années 70, pleines d’espoir, on peut penser aux Enfants terribles. Mais l’époque a changé, et chaque histoire racontée s’insère dans une vision pessimiste, ou plutôt lucide, du monde qui nous entoure, portrait impressionniste et intimiste d’une société qui se cherche. Un environnement urbain, de ruines, d’usines, de mendiants, de chômeurs, de guerre : « Nous cherchons l’architecte / Mais nous n’avons trouvé / Que des ouvriers inquiets ». Qui atteint les bas-fonds avec cette imprécation morne et sans espoir au Joueur d’échecs : « Semeur du néant / Capitaine d’épave / Contremaître des faillites ». De la ville, la seule vision positive est l’hommage désabusé à cette Petite ville de leurs ennuis adolescents, son collège, sa Mjc, sa salle de sport, ses ronds-points… 

Ici rien n’est pris à la légère, sauf l’humeur, dans le plus beau sens du mot.
L’album est un concentré de perfection où tout est travail d’artiste, d’artisan passionné par ce qu’il fait.
Le contenant  est un digifile quatre volets dans un carton de superbe qualité, dont la couverture bleue évoque une sorte de créature robotisée. En regardant mieux on s’aperçoit qu’il s’agit de notre terre, garnie d’excroissances fumeuses : des cheminées d’usine. Au verso les titres sont inscrits dans des figurines mi puzzle-mi rébus, souvent la tête à l’envers. Les revers continuent le jeu, à découvrir un échiquier, une tête pleine de rêve, les dés du hasard…
En déployant l’ouvrage, vous découvrez les textes des chansons avec leurs symboles, comme des signes du zodiaque. Tout est œuvre d’Emeric Guémas, l’auteur d’un prochain clip très attendu, La neige de l’année dernière, ce conte étrange et beau d’un monde « au bord du précipice (…) Une immense fresque, un naufrage», sur une ballade mélancolique, et ce riff mélodique et doux qui revient en boucle.

Tout est chutes dans cet album : le rêve du blessé vers l’hôpital, sur les notes de claviers voyageuses, dans la ouate se vivant Astronaute « En apesanteur / Pour que les coups / Les claques les chocs / S’amortissent en douceur », avec les souvenirs, les menues triviales réflexions que l’on se fait dans ces cas là : « Je crois que je vais être en retard ». Plongeons dans cette Odyssée, amitié musicale, violon voguant vers d’autres eaux ; dans l’eau incertaine du temps qui passe, où Quarantaine a double sens, rime avec peine ; dans le canal, et sa mise en abyme : « Trop de chanteurs / Trop de chanteuses / Alors je vais me taire / Et la mettre en veilleuse ».
On les supplie de n’en rien faire, tant le résultat de cette musique à la fine complexité coule de source, tant ces voix sont accrocheuses, addictives, tant ces textes nous parlent dans leur poésie insolite, inventive, sombre et lumineuse tout à la fois.

Fontaine Wallace, éponyme, autoproduit, 2018. La page facebook de Fontaine Wallace, c’est ici .

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