Les Rois de la Suède, fils de punk
Une fois n’est pas coutume, on va commencer par la fin. C’est que le nouveau et double album des Rois de la Suède, Punk Rock Academy, s’achève opportunément par un morceau intitulé La chanson du pardon. Dans cette chanson de repentir, le groupe passe en revue tous ceux et celles qu’ils ont allègrement brocardés dans les 20 chansons précédentes. Pratique donc pour vous résumer les grands thèmes de ce disque essentiel pour comprendre la marche du monde actuel.
Sachez donc qu’au fil de leur album, nos philosophes scandinaves auront :
- Livré quelques réflexions sur la difficile condition masculine : Nous les mecs, on peut pas baser tout sur notre physique / Se changer les idées en claquant tout notre fric / Nous dès qu’on pense à nos angoisses, on doit tuer le temps ou du gibier / Toi évidemment des questions, tu t’en es jamais posées / T’as le ménage et le tricot pour te calmer / Tu pourrais nous remercier de les avoir inventés…
- Voué aux gémonies les architectes qui embellissent notre existence : Ben ouais si on bétonnait tout / On s’ ferait quand même moins chier / Ben ouais autant faire de la merde / Vu qu’un jour ce sera bombardé
- Constaté que la gent animale ne vaut guère mieux que la race humaine : Est-ce que les zèbres font des trucs contre le réchauffement planétaire ? / Ben non, ils mettent juste de la crème solaire chelou qui marche une fois sur deux / Les animaux, les enfants vous aiment bien / Mais les enfants c’est pas malin / Ils savent pas couper leur viande
- Semé la graine du doute, du trouble et du grand complot : On nous dit que les choses ont changé depuis le 19ème / Mais sur Youtube, y’a aucune vidéo du 19ème / La vérité est quelque part / Mais c’est ailleurs, ailleurs que j’irai la chercher
- Chanté la haine des acariens (Acarien / Fils de rien / Si seulement tu rimais avec « but » / J’aurais pu dire « Acarien fils de tuut »), l’amour des papas punks (Et pour attacher mon lange, il prend une épingle de son oreille / Il me chantonne du Béru pour me bercer quand j’ai sommeil), la beauté des chansons en anglais
- Montré quelque véhémence à l’égard des racistes indécrottables : On a tous en nous des molécules d’Hitler / Mais quand tu dis « chacun chez soi » / Et qu’ t’en es fier / Je crois que toi, t’en as pas que deux ou trois
- Hurlé leur désarroi devant le sacre annoncé des voitures sans conducteur : Un jour ils finiront par la tuer / La liberté de rouler / A quoi bon une vie sans doubler ?
- Compilé pour l’édification des masses les multiples maximes qui hantent les murs de Facebook : « L’homme c’est 1% d’eau et 99 % de sentiments », « Mieux vaut être blessé par la vérité qu’embrassé par le mensonge », « Rien ne sert de courir derrière une personne qui t’évite, il vaut mieux avancer avec ceux qui t’aiment », sagesse populaire adoubée par l’imparable Partage si t’es d’accord.
Copieux programme, auquel on ajoutera une salutaire leçon de vie (Mort au solo de saxo), un alléchant programme sectaire (Suède secte), un cursus scolaire pour apprentis-punks (Punk rock Academy), un attendrissant hommage à Didier Wampas (Jamais ses adieux) ou un hymne à la gloire d’un super-héros qui se fait attendre (Le brigadier de l’espace)…
Vous aurez saisi à la lecture de ce qui précède que les allergiques à l’humour potache et roboratif seront bien avisés d’éviter soigneusement cette galette des rois. Le second degré (voire plus si affinités) y règne en maître, la dérision y a force de loi. Lecteurs d’Hara Kiri, adorateurs de Vuillemin, résidents de Groland, fans invétérés d’Odeurs (pour les plus anciens), de Didier Super, de Soviet Suprem et des Fatals Picards, ce disque est fait pour vous. L’humour n’y exclut pas la réflexion, le rock est rentre-dedans, la distanciation omniprésente.
On l’a dit, l’ensemble est riche de 21 chansons. Le deuxième disque, plus spécifiquement axé sur cette Punk Rock Academy imaginaire, qui éduque les enfants à coups de Green Day et les vire si jamais leur guitare est accordée, se présente comme un conte musical pas trop abouti, avec ses intermèdes/sketches – un peu lourds sur l’estomac – glissés entre chaque morceau. L’écoute des deux disques d’affilée sera donc réservée à ceux qui ne craignent pas la digestion difficile.
Les Rois de la Suède, des despotes éclairés pour illuminer vos sourires. De l’humour et de la musique de mecs ? Et alors ? Comme ils le chantent si bien : si t’étais pas une femme, tu comprendrais !
Les Rois de la Suède, Punk Rock Academy, Adone/L’Autre Distribution, 2018. Le site des Rois de la Suède, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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