De K-ractère
C’est un fait, c’est la mode des patronymes réduits à une seule lettre. De Dominique A à Ottilie [B], d’Arthur H à (Matthieu) M, dur dur de se faire une identité avec une seule lettre. Mais la palme revient sans doute aux K, Alexis HK, HK tout court, Denis K, N et SK, Mademoiselle K, K-reen Kang, et K donc, alias Karina Duhamel. Pas facile de la trouver sur vos plateformes préférées au milieu de tous ces K. Pourtant cette chanteuse et comédienne a de quoi se faire remarquer..
Même saisissement à l’écoute de ce nouvel album que pour le Grand H de Barbara Weldens !
Tout commence comme une liste exhaustive de tous les types de femmes, style Denner, voix off extraite de L’homme qui aimait les femmes, ou style Dutronc « les filles des magazines (…) les filles de chez Renault » qui défilent chez son homme. Et ça finit en grand guignol, dans une revanche terrible contre l’Adultère. Même ambiance mi-trash mi loufoque avec La femme en boîte : « Mon amour a acheté une boîte à couper les gonzesses » et ses chœurs d’hommes lyriques et caricaturaux.
C’est un disque de femme, pas en guerre, pas soumise non plus, qui assume ses fantasmes, ses désirs, ses cauchemars et ses échecs : « J’ai fait du parachute suspendu à des rêves, j’ai câliné des brutes qui me disaient crève ! » Avant d’y voir une femme fatale, vieux mythe de l’imaginaire des hommes, c’est surtout une femme amoureuse, qui s’exprime avec liberté, rage, humour et même douceur, en chantant sans tabou toutes les affres de l’amour, entre chanson réaliste et performance punk, entre cruauté et tendresse.
Son écriture est en hardiesse poétique, découpée au scalpel : « Et tu creuses à la pelle des trous dans mon âme », sa musique, co-composée avec Jérémie Kokot est hallucinante, bat la chamade sur des chœurs de sirènes ou de mâles en rut, des orgues et autres claviers (Matthieu le Sénéchal), des guitares et basse (Samuel Cajal). Ce dernier lui a écrit trois bijoux de noire poésie, dans un rock sombre, métalleux, images d’apocalypse, Murmures d’un monde déshumanisé et virtuel, et l’impressionnante Tumeurs : « Je suis folle de ton corps (…) Tu es à moi maintenant / Est-ce que tu m’aimes / Si tu ne m’aimes pas , tu meurs ». Et l’ultime chanson de l’album, chantée en un superbe duo comme une berceuse magnifique, mais désespérée sous la douceur apparente : « Ton cœur décélèrera dans l’heure / Comme un tempo comblé mourant de bonheur (…) Dors, bienvenue dans la nuit / les vivants souffleront des braises »
En d’autres temps, K aurait été écartelée, brûlée comme sorcière. Elle porte en elle, Entre [ses] jambes « du barbelé et puis des lames de rasoir / des sourires gras, la peur du noir » toutes les craintes et les dégoûts ancestraux du sexe féminin, sur cette musique inquiétante, ambiance Tim Burton. « Entre mes jambes, coule l’envie de te revoir (…) Si t’as envie, viens donc y voir ». Après une fausse fin le morceau repart en rock tendance métal, où incantent les mots qui font peur : bûcher, pénitente. Sirènes et harpies, prêtresse sanglante. Homme, prends garde : « Pour toi chevalier, je me suis armée, mais pas comme tu penses, entre mes jambes… » Tout finit par une parodie de Claude François dans Belles, belles « Les hommes tu sais, c’est pas ce que tu crois ».
Pourtant elle a aussi des rêves de prince charmant ou de beau voisin qui viendraient la sauver, lorsqu’elle est abandonnée :« C’que j’étais belle quant tu m’voyais (…) quand tu m’touchais », lorsqu’elle se trouve moche : « J’suis pas jolie quand j’bois d’l’acool / J’suis pas sexy les ch’veux qui collent / je rêve la nuit qu’on me cajole».
Elle observe les choses, les gens, les femmes, comme si soudain elle devenait extérieure à ce monde d’artifices : « Il faut qu’j’arrête l’enluminure ». Pierre Glémet lui a contacté ce texte où elle s’exprime tout en douceur, pour finir par ces mots de petite fille : « Rends moi libre (…) J’veux une bise, juste une bise ».
Les femmes ont fini de se tenir bien sages, chantant de jolis sentiments ou des invites langoureuses. K s’exprime comme avant elle Sapho, Catherine Ribeiro, puis Lily Luca, Chloé Lacan ou Agnès Bihl… ou sur une autre thématique, Mélissmell. Ses chansons sont à sens multiples, nourrissent l’imaginaire, et sa musique ne se contente pas de faire danser. Et ça fait du bien à tout le monde.
K !, La femme en boîte, album La Couveuse (2018). Actuellement en tournée de concert, le 11 janvier 2019 à l’Auguste Théâtre à Paris.
La page facebook de K !, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
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