Bashung sauvé des os, immortel
Ça y est, à nouveau tourne, tourne Bashung sur votre platine. Le nouveau Bashung, celui d’après, celui d’aval. Bien qu’En amont comme c’est écrit. Un nouveau Bashung, plus de dix ans après le précédent, moins de dix après son trépas. Un Bashung sauvé des os. Immortel. Que n’a-t-on pas dit de ce disque pour beaucoup sacrilège, car pas validé par l’artiste, titres ébauchés, pas finis, abandonnés. Je ne vise personne mais j’aimerais bien que nombre de disques finis aient au minimum ce degré de non-finition : ça les rendrait écoutables à mon ouïe, à mon avis. La voix de Bashung donc résonne encore. Pour l’y avoir vu, je le sais sous terre au Père Lachaise et le voici ici, à nouveau. Stupéfiant, rêvé éveillé, troublant.
Après Fantaisie militaire et L’imprudence, Bashung veut revenir à une forme de chanson plus classique. Pas besoin de le fanfaronner, ça se sait. Et les postulants auteurs affluent : Dominique A, Joseph d’Anvers, Doriand, Daniel Darc, Raphaël, Mickaël Furnon, Arman Méliès, Xavier Plumas… Bashung en retient. Et les travaille, fait les musiques quand elles sont orphelines de son, pas de sens. Enregistre des maquettes. Jusqu’à ce que les chansons de Gaëtan Roussel arrivent et détrônent celles précédemment retenues. Blocus sur ces brouillons, embargo et, au final, véto de l’apprenti mourant. L’Histoire les oublie un temps, celui du chagrin, de l’insupportable départ. Que faut-il en faire ? Les tuer, les achever ? Les finir. Avec moult précautions et cautions.
Le titre vient d’une chanson écrite par Joseph d’Anvers et composée par Arman Méliès, que Bashung avait maquettée pendant l’écriture de Bleu pétrole. Une que nous ne saurons pas. Ou alors dans vingt ans. De ce travail, de ces sessions, voici onze rescapées. Des à l’état de maquettes. Qu’Edith Fambuena, la moitié des Valentins, qui avait travaillé sur Fantaisie militaire, particulièrement sur La nuit je mens, a eu pour délicate mission de finaliser. Des jours de quasi vérité, des nuits d’autres possibles mensonges, pour accoucher de ce disque miraculeux, où l’épure prime, où la voix l’emporte de l’outre-tombe, où au bras de fer le vivant l’emporte. « Je ne t’ai jamais dit / Mais nous sommes immortels / Pourquoi es-tu parti / Avant que je te l’apprenne ».
C’est un disque d’avant retouches, en amont du reste. De cette déstructuration/restructuration dont Bashung avait fait sa marque mais qu’il semblait ne pas vouloir pour cet album précis dont il ne savait encore qu’il serait le dernier. Dernier et demi, donc. C’est bien plus qu’un travail de restauration, c’est l’accouchement d’un mort-né. Un non-testament qui est un superbe cadeau posthume, un grand album qu’il serait stupide de bouder au nom d’un je ne sais quoi, d’un tabou mortifère. De renier. En tout cas pas sans l’avoir écouté. Pas avant que le charme n’ait agi, la magie opéré. En boucle. A la deuxième, à la dixième écoute, on sait qu’Alain Bashung est vivant. Pour encore longtemps. C’est une bonne nouvelle des étoiles.
Alain Bashung, En amont, Barclay/Universal 2018. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là, au-delà.
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