Melissmell, la colère est un cri qui vient de l’intérieur
16 novembre 2018, MJC de Venelles, deuxième plateau,
Deuxième plateau de cette balance complètement féminine ce soir à Venelles, autre souffle d’une féminité en colère, plus extravertie.
Nous avions également vu et chroniqué Melissmell au printemps 2015 dans une version plus accessoirisée, poignante et révoltée. Déjà accompagnée de Matu, le discret François-Régis Matuszenski – claviériste ou pianiste de Mano Solo et plus récemment d’Indochine. Profil imperturbable, parfois éclairé d’un sourire, sa prestation au piano est époustouflante. Ses notes battent et rebattent le concert d’un rythme impatient, lancinant, hypnotique, nous emportant dans une spirale infernale. Elles suivent au plus près les montées déchirantes de la voix de Melissmell, la portent, la commentent. Sa voix la rejoint aux moments les plus opportuns, le tout dans une complicité sans faille.
La mise en scène sera très sobre cette fois-ci, Matu à gauche, au piano, de profil, Melissmell à droite, debout au micro, laissant le soin à ses mains, ses bras, à son regard rageur, à son sourire furtif de compléter l’émotion émanant de sa voix.
Seules variations, la prise en main du micro parfois pour se déplacer de profil sur la scène, un haut tabouret au milieu où elle se juchera pour certaines chansons, jouant parfois de sa guitare, et quelques petites interventions émouvantes au piano, qui remplacent avec succès le piano toy du précédent spectacle.
Difficile de résister à la vague d’émotion qui vous submerge lorsque vous assistez à un concert de Melissmell. Cette voix, comme fusion entre Mano Solo quand elle vibre sur les voyelles – elle reprendra d’ailleurs Toujours quand tu dors – et Janis Joplin dans son cri, se maintient toujours puissante, déchirante. On pense d’autant plus à Janis que le concert renoue avec la ballade rock en anglais, soit en ponctuation de chansons en français : « On me dit déserteur / Mais si là-bas je plante un arbre / Je fais fleurir la terre / Plus de raison d’être coupable» , là où « Father you say… » annonce cette variation à la Janis, en douceur, en cri, et en petite notes qu’elle pianote tout à droite des touches, là où c’est le plus aigu…
Soit toute en anglais dans Defy, avec son introduction à la Satie, cette tension palpable qui donne la chair de poule, même si on ne comprend pas toutes les paroles, dans ces lumières bleues qui soudain virent au rouge.
Si on se laisse emporter par Melissmell, on est fascinés, les yeux dans les yeux, le cœur suspendu, on communie avec cette révolte, cette souffrance enracinée dès l’enfance ( avec la tendresse de ce « Maman » qui se renouvelle, l’œil brillant de larme). Avec ces Souvenirs, qui, toujours, creusent le sillon de la colère mais ne sont pas exempts d’espoir : « Mais ça déborde souvent quand la marée s’en va / Il est là l’espoir qui se lamente c’est un hymne à la joie ». Cette Colère qui clôturera le concert, chantée de sa voix la plus douce, car elle le sait bien : « Elle rend, la colère, la douceur amère, elle ronge sa proie ».
Peu de discours, la place est faite aux beaux textes de révolte de Guillaume Favray qui collent tellement à la personnalité de Melissmell.
Des incontournables du premier album, et une plus rare, « Sobre la muerte / Je vous la vends mon âme », où « Je suis morte plein de fois / Comme les Jésus Christ et les chats ».
Mais surtout celles du second, où Les brebis l’inquiètent : « droit dans la gueule du loup », là où « La musique est une arme, les mots ses munitions ».
De son dernier album, si sombre, si funèbre, arrivent Citadelle, en chœur et en cœur avec Matu qui emporte le public « down the other side » dans un tourbillon sans fin, et ce Pendu, variation autour de Villon via Rimbaud : « dansent dansent les baladins du diable ». Ce sabat blasphématoire, violente charge contre Dieu et diable chantée au refrain par le Public .
Autre moment intense, la reprise du Noir Désir de 1996, adressée à cette « Petite sœur de mes nuits » où ces paroles, soutenues par la tension dramatique du piano, se font siennes : « A la joie / A la beauté des rêves / A la mélancolie /A l’espoir qui nous tient / A la santé du feu / Et de la flamme / A ton étoile ».
Il y aura une fausse fin, dans ce concert généreux d’une heure et demie, où l’assemblée ne veut pas la laisser partir, danse, lui fait ovation debout : après les douze premiers titres, on repartira sur sept supplémentaires, dont deux nouvelles chansons, un hymne à Nina (Simone) et à la révolution, et une Prière iconoclaste, vraie blues de chanteuse de jazz.
Premier plateau Liz Van Deuq. Le compte facebook de Mélissmell, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
En concert le 22 décembre 2018 au Caméléon à Conchy dans l’Oise, les 12 et 13 février 2019 à Lyon à A Thou Bout’d’Chant.
Très bel article de Catherine sur le spectacle de Melissmell, que nous avions vu au festival de Barjac et qui nous avait fait frissonner d’émotion avec sa voix et son chant hors norme, avec bien sûr le grand moment de « je me souviens maman »!