Liz Van Deuq, la séduction d’une colère douce
MJC de Venelles le 16 novembre 2018, premier plateau,
Déjà quatre ou cinq ans depuis les premiers prix, Sacem, Moustaki, le tremplin France Inter où elle était ma candidate favorite. Après son premier album Anna-Liz en 2014, banc d’essai très prometteur de son répertoire romantico-humoristique, elle vient de sortir un nouvel album tout à fait original, Vanités, que Michel Kemper vient de vous présenter. Sans compter les EP et un disque de mélodies pour endormir les bébés.
C’est la deuxième fois qu’elle vient à Venelles, la première c’était en juin 2015 où sa demi-heure précédant Anne Sylvestre et Presque Oui (Thibaud Defever) – quel défi ! - n’était pas passée inaperçue. Nous l’applaudirons cette fois-ci pour une heure complète.
Liz van Deuq fait partie de cette nouvelle génération de chanteuses qui ne se contentent plus d’être des interprètes talentueuses, des dames agréables à regarder (chignon blond, pantalon et bottines rouges qui tirent l’œil), ni même de simples autrices-compositrices-interprètes. Je vous écorche les oreilles ? C’est aussi une pianiste (et là vous ne pouvez rien dire, le terme est neutre) entre classique, jazz et chanson. Une qui vous montre son profil, se retourne pour mieux vous voir, joue avec son tabouret comme Jeanne Cherhal, bat le rythme d’une jambe, vous décoiffe avec ses envolées emballantes et dissonantes, tout en chantant d’une voix suave.
Celle qui prétend faire de la chanson par défaut, sortant d’un projet de Métal gros son comme exutoire à sa (grosse) colère contre la société nous présente ses chansons calmes comme des remèdes au stress. Jouant en permanence cette petite musique des mots et des sons ( un toute petit synthétiseur sorti d’une mallette fleurie, assortie aux lampadaires), reprenant le rituel du poème improvisé qui finit en avion de papier.
Cet humour tragique, cette facilité à jouer avec les mots « Il faut dire tu avais bu / buté sur mon prénom », cette critique du monde moderne qu’on avait déjà décelés dans 15 ans de boîte ou dans Nevers with an S s’épanouissent cette fois en toute liberté. Entre marche et crève, comme elle nous le disait à l’époque ou sale air rimait avec salaire, elle a choisi de marcher. Et dans les banlieues pavillonnaires, où la zone industrielle est devenue l’environnement naturel de l’homme, se cachent parfois des fleurs discrètes ou des lézards.
Après s’être débarrassée en ouverture de concert de son devoir de fille - chanter l’amour – non plus avec l’habituelle Mamour de son album Musique de chambre, mais avec cette dissection du cœur qui « manipule du sang toute l’année » et ne contient « pas de sentiment, seulement des bruits sourds », c’est cette chanson dérisoirement baptisée Tranquille : « Il faut se quitter d’un coup / Il ne tenait plus mon cou / Ma tête se prélasse / Pour moi déjà s’efface demain » qui nous fait comprendre que la vie ne l’est pas…tranquille. L’amour sera encore évoqué de façon plus libertaire mais toujours imperturbable, la reprise de Cinq vantant les mérites pratiques de la combinaison : « En nombre impairs pour éduquer, on peut voter à mains levées / Au moins à 5, on peut trancher »
Là où l’album distribuait ses Vanités comme autant d’appels au secours déroutants, le concert a l’avantage de lier ses propositions en un monologue pince-sans-rire qui n’est pas sans rappeler celui de Nicolas Jules, dissimulant sous un air impassible des sujets tragiques ou désenchantés. Discours cohérent mais toujours surprenant, de la dérision de Supporter à la tendresse des Etoiles en québécois, de la satire d’un monde où le Wifi – « On y croit, on le pratique tous les jours » - sert de Dieu, à l’espérance en un futur où « Il y aura du léger ».
Mélissmell est le deuxième plateau de cette soirée, article à venir. Liz Van Deuq est en concert à Saran le 23 novembre 2018. Le site de Liz, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Liz, c’est là ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Louise O’sman, à l’époque en duo No Man’s Louise, c’est ici.
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